Les groupements lexicaux 13 страница

Ainsi le pronom latin omnis à la forme du datif pluriel omnibus a pris dans la langue française le sens de « voiture pour tous ». Plus tard ce sens s'est concentré uniquement dans la désinence -bus qui avec cette valeur nouvelle s'est ajoutée à un autre élément latin auto- et a formé autobus avec le sens de « voiture automobile pour tous ». Dès ce mo­ment l'ancienne désinence -bus a acquis la valeur d'un élément forma­teur. Parmi les formations récentes avec cet élément signalons aérobus, électrobits, bibliobus. Le suffixe populaire -pin que l'on trouve dans auverpin - « auvergnois » est apparu par une voie analogue ; il s'est dégagé des mots tels que calepin, clampin. C'est à la suite de la décom­position que sont apparus les suffixes -tron, -on (de électron), -rama (de panorama).

Signalons encore un processus morphologique appelé « recomposi­tion » - «переразложение» dans la linguistique russe, et qui consiste en ce que la répartition des éléments formateurs devient autre qu'elle ne l'était originairement. L'étymologie nous fait connaître que vilenie dérive de vi­lain. Cependant dans le français d'aujourd'hui « une vilenie » n'est rien autre qu" « un acte vil » ; donc, il serait plus juste de dégager le suffixe -enie et non plus -ie. Le suffixe -erie qui a formé les mots populaires mairerie, jalouserie est aussi le résultat de la recomposition de la structure formative des mots du type de chevalerie ; au lieu d'être décomposé en chevaler-ie on l'a interprété comme cheval-erie.

Ainsi, vu à travers l'histoire et à l'état présent, le même mot peut offrir un décalage quant à sa structure formative. Au cours du temps un mot qui a été réellement créé peut se simplifier et, inversement, un mot qui était simple laisse parfois entrevoir une structure complexe.

La séparation de ces deux plans nécessite une séparation terminologi­que. Il serait juste de distinguer dans la perspective diachronique les mots créés et non-créés et dans la perspective synchronique les mots construits et non-construits.

Les mots créés le sont effectivement d'après les modèles de formation propres à une langue à des époques différentes. Parmi les mots non-créés il faudrait ranger ceux du fonds primitif (pour le français ce seront les mots du latin populaire, les mots d'origine celtique et germanique qui ont servi de base au développement ultérieur de son vocabulaire) et les em­prunts faits aux autres langues.

Les mots construits ne sont pas nécessairement créés, il suffit qu'ils aient une structure conforme à un modèle de formation vivant à une épo­que donnée (éventuellement à l'époque actuelle). L'analyse formative des mots effectuée sur les plans différents fait voir avec évidence qu'un mot historiquement créé peut être non-construit à l'heure actuelle, et. au con­traire, un mot non-créé doit être traité à présent de construit. Le français contemporain compte un grand nombre de mots construits parmi les em­prunts, ce qui est dû à la similitude de leur structure formative avec celle des mots de souche française : ainsi éducation, énumération, égalité, do­cilité, légionnaire pris au latin, cavalerie, chevaleresque venus de l'ita­lien ou embarcation de l'espagnol se laissent interpréter comme des suffixes et sont, par conséquent, construits.

II n'en reste pas moins vrai qu'une grande partie des emprunts à structure complexe dans la langue d'origine se prête difficilement à l`ana­lyse en français. Tels sont les anglicismes cocktail, drugstore. « magasin où l'on vend divers produits », check-up - « examen médical complet » qui se rangent parmi les mots non-constmits en raison de leur structure formative insolite, foncièrement différente de celle des mots français. Donc. en procédant à l'analyse fomiative il est important de faire la distinction entre le plan diachronique et le plan synchronique.

L'analyse fomiative peut être malaisée du fait qu'il n'y a pas de limi­te strictes entre les divers procédés de formation. Ceci est surtout vrai pour la distinction entre certaines formations affixales et composées ce qui explique les hésitations que suscite l'interprétation de cas tels que sous-extimer, maladroit qui, dans les ouvrages différents sont présentés tantôt comme des mots composés, tantôt comme des affixés.

Selon l'opinion de certains linguistes russes un mot construit est com­posé si ses éléments constitutifs se laissent ramener à un groupe de mots significatifs. En effet, tire-bouchon est bien un mot composé puisqu' il peut être défini comme « un objet servant à tirer un bouchon » ; par contre. chênaie, ne pouvant être transformé en un groupe de mots, est un dérivé affixal

Envisagées sous cet angle les formations du type sous-estimer ou du type maladroit doivent être classées parmi les mots affixés. précisément, les préfixés, alors que maltraiter (= traiter mal qn) et sous-vêtement (= vêtement porté sous un autre vêtement) sont des composés.

Lorsqu'on procède à l'analyse formative du mot on doittcnir compte de l'existence en français contemporain de deux bases essentielles de for­mation qualifiées conventionnellement de « populaire » et de « savante ». La formation populaire se fait à partir de vocables de souche française (richesse < riche, encadrer < cadre). La formation savante fait appel aux mots ou radicaux latins ou grecs qui servent de bases formatives aux mots français (oculaire, oculiste < du lat. : oculus - « œil » : hépatite, hépati­que, hépatologie < du gr. : hêpar. hêpatos - « foie ».)

Il est souvent impossible dans le français contemporain de ramener les mots de formation savante à un mot générateur indépendant. Alors leurs éléments constitutifs se dégagent uniquement les uns par rapport aux autres. Il en est ainsi pour bellicisme, belliciste, belliqueux dont l'élément belli- n'apparaît qu'à l'intérieur d'un mot et n'existe pas par lui-même Même dans le cas où la famille de mots de formation savante trouve un appui sémantique dans un mot étymologiquement apparenté de souche française la dissemblance formelle des premiers avec le dernier ne permet pas toujours d'établir une filiation entre eux dans la synchronie

Ainsi oculaire, oculiste ne sauraient être analysés en fonction de œil. de imême que lecture, lecteur à partir de lire. Les mots lecture, d'une part, et lire, de l'autre, tout comme oculiste et œil font partie de familles for-matives différentes quoique sémantiquement associées. Cette séparation formelle de mots sémantiquement apparentés et qui demeure souvent lors­que ces mots remontent à la même source étymologique est considérée d'ordinaire comme un obstacle à l'analyse des mots en éléments forma­teurs. Pourtant le démembrement des mots de formation savante ne sus­cite pas de grandes difficultés à condition d'assigner aux bases formatives liées les mêmes droits qu'aux bases formatives libres.

En effet, les mots de formation savante se prêtent facilement à l'ana­lyse s'ils constituent dans le vocabulaire du français moderne une famille de mots bien nette'(cf. : aqueux, aquatique, aqueduc, aquarium emprun­tés au latin et complétés par aquarelle venu de l'italien).

Signalons toutefois que la nature de certains éléments formateurs liés, d'origine latine et grecque, suscite des discussions : ils sont tantôt traités de bases formatives (éventuellement d'éléments de mots composés) et tantôt d'affixes. On peut affirmer que ceuxd'entre eux qui constituent des séries de nombreuses formations et dont la position initiale ou finale est de rigueur se rapprochent par leur fonctionnement des affixés jusqu'à s'identifier avec eux. Ainsi, nous avons qualifié -logue de suffixe et hyper-, super- de pré­fixes étant donné leur fréquence, leur position stable à F intérieur des mots et leur sens quasi catégoriel (cf. aux éléments naut- / -na-ute, hydr- / -hydre qui, vu leur position alternative, doivent être qualifiés de bases for­matives : nautique, nautile, nautisme / aéronaute, aquanaute, cosmo­naute : hyc/rique, hydrophile, hydrophobe / anhydre, clepshydre).

Non seulement les éléments formateurs de type différent - bases for­matives et affixés - prêtent parfois à confusion, mais ces derniers ne sont pas toujours nettement séparables des mots indépendants. Nous avons déjà constaté que la démarcation entre mots composés et groupes de mots sou­levait un problème. Un problème analogue se pose pour certaines formes qui étant des mots, d'une part, acquièrent des traits propres aux affixés, de l'autre. Il en est ainsi de -clé,

-pilote, -fleuve, (-)pirate dans concept-clé, mot-clé, position-clé, question-clé, homme-clé, témoin-clé ; classe-pilo­te, ferme-pilote, industrie-pilote ; roman-fleuve, discours-fleuve, rapport-fleuve : édition-pirate, émission-pirate, entreprise-pirate. En raison de leur signification généralisante qui les éloigne de leurs prototypes, leur faculté de former des séries ouvertes de formations analogues, ces élé­ments semblent s'apparenter aux suffixes parleur fonctionnement. J. Dubois a rangé sans restriction les éléments -clé et -pilote et certains autres parmi les suffixes (voir dans : [32, p. 71]).

II est à noter qu'il reste encore fort à faire pour mettre au point les principes de l'analyse fonnative.

§ 52. Les limites linguistiques de la formation des mots. L'exa­men des divers procédés de formation nous'permet de constater la grande productivité de certains d'entre eux à côté de la faible productivité ou l'improductivité totale des autres.

Des procédés fort productifs à une époque éloignée ont perdu plus tard leur faculté créatrice. Cependant à l'époque où ils étaient en pleine vigueur ils ont servi à former des dérivés dont beaucoup sont devenus d'un emploi commun. Ces dérivés anciens se sont si profondément in­crustés dans le vocabulaire de la langue française qu'ils sont parvenus jusqu'à nous sans être évincés, ni même souvent concurrencés par des dérivés créés sur des modèles de formation plus récents. En effet, la lan­gue a conservé comparaison et faiblesse sans se laisser imposer compa­rution, faiblité qui auraient pu être formés.

Certains éléments formateurs, jadis productifs, ont été évincés par leurs rivaux plus favorisés. C'est ainsi que les suffixes -aison, -ie ont été supplantés par -ation, -erie.

La productivité des procédés de fonnation. même les plus féconds, peut être limitée par l'emploi plus ou moins restreint des mots créés par ces procédés. Tel est le cas du suffixe -âge conférant l'idée de l'action et servant à créer à l'heure actuelle surtout des ternies techniques. La pro­ductivité du suffixe -ation se borne aujourd'hui presque exclusivement à la formation de termes à valeur sociale et politique.

Toutefois la productivité d'un élément formateur peut être entravée non seulement par des facteurs intralinguistiques, mais aussi bien par des facteurs extralinguistiques. La quantité des dérivés avec -ite désignant la perturbation d'un organe à la suite d'une inflammation (bronchite, cysti­te, sinusite) est limitée surtout pour des causes extérieures à la langue. Il en est de même pour le suffixe -aie dont le nombre des dérivés (chênaie, cerisaie) ne peut dépasser le nombre d'arbres et de fruits existants.

CHAPITRE III

LA FORMATION DES LOCUTIONS PHRASÉOLOGIQUES

§ 53. Notions préalables. Les locutions phraséologiques sont des unités lexicales qui par leur fonctionnement se rapprochent souvent des mots ce qui permet d'envisager leur création à côté de la formation des mots.

Le premier examen approfondi de la phraséologie française a été entrepris parle linguiste suisse Charles Bally. A. Sechehaye. J. Marou-zeau soulèvent aussi certaines questions ayant trait à la phraséologie fran­çaise.

Parmi les linguistes russes il faut nommer en premier lieu V. V. Vino-gradov [33] dont l'apport à l'étude de la phraséologie est inestimable.

La phraséologie étudie des agencements de mots particuliers. En se combinant dans la parole, les mots forment deux types d'agencements es­sentiellement différents. Ce sont, d'une part, des groupements de mots in­dividuels, passagers et instables ; les liens entre les composants de ces groupements se rompent sitôt après leur formation et les mots constituant le groupe recouvrent la pleine liberté de s'agencer avec d'autres mots. Ces groupements de mots se forment au moment même du discours et dépendent exclusivement de l'idée que le locuteur tient à exprimer. Ce sont des groupements tels que : un travail mannel, un travail intellec­tuel, une bonne action, une mauvaise action, compliquer un problè­me, simplifier un processus.

Ce sont, d'autre part, des agencements dont les mots-composants ont perdu leur liberté d'emploi et fonnent une locution stable. Ces locu­tions expriment souvent une seule idée, une image unique et n'ont un sens que dans leur unité. Les locutions stables ne sont point créées au moment du discours ; tout au contraire, elles sont reproduites comme telles intégra­lement, comme étant formées d'avance.

Ch. Bally. qui le premier a insisté sur la distinction de ces deux types d'agencements de mots, signale qu' « ...entre ces deux extrêmes (les grou­pements libres et les locutions stables - N.L.) il y a place pour une foule de cas intermédiaires-qui ne se laissent ni préciser, ni classer » [34. p. 68].

Les locutions phraséologiques. à leur tour, diffèrent par le degré de leur stabilité et de leur cohésion Ch. Bally distingue deux types essentiels de locutions phraséologiques : il nomme unités celles dont la cohé­sion est absolue et séries celles dont la cohésion n'est que relative. Ainsi bon sens dans le bon sens suffit pour montrer l'absurdité d'une pareille entreprise représente une unité phraséologique ; grièvement blessé, où grièvement ne peut être employé qu'avec blessé, forme une série phra­séologique.

Les linguistes russes ont élaboré plusieurs classifications des locu­tions phraséologiques reposant sur des principes différents. Celle de V.V. Vinogradov, malgré les quelques insuffisances qu'on lui impute, peut être qualifiée de classique. Elle a inspiré la plupart des phraséolo-gues russes.

La description des locutions adoptée dans le présent ouvrage repose sur les principes essentiels avancés par V.V. Vinogradov, vu leur réper­cussion sur les diverses théories phraséologiques. Sa classification des locutions phraséologiques est plus complète que celle de Ch. Bally. V.V. Vinogradov distingue les locutions phraséologiques suivantes : les locutions soudées, les ensembles et les combinaisons phraséologiques. Les deux premiers types de locutions constituent un groupe synthétique, le dernier type représente un groupe analytique.

À l'heure actuelle l'intérêt porté aux problèmes de la phraséologie ne cesse de croître. Il serait juste de dire que la phraséologie demeure jus­qu'à présent un des domaines de la linguistique qui soulèvent le plus de discussions. C'est la question des limites de la phraséologie qui est partw culièrement controversée. Des critères variés visant à faire le départ entret les locutions phraséologiques et les groupements de mots libres sont pro4 posés. Ce sont, entre autres, l'intégrité nominative, l'équivalence au mot, la valeur imagée, le caractère idiomatique, la stabilité, la reproductivité intégrale dans la parole. En s'appuyant sur l'un ou l'autre de ces princi­pes tantôt on resserre, tantôt on élargit les frontières de la phraséologie. Ainsi en partant de l'équivalence au mot on élimine de la phraséologie les agencements liés tels que remporter une victoire ou hausser les épau­les qui, n'étant pas non plus des groupements libres, doivent être quali­fiés de catégorie particulière. Par contre, si on part de la stabilité de l'emploi des mots entre eux on élargit outre mesure les frontières de la phraséolo­gie car la stabilité d'emploi caractérise également un certain nombre d'agencements libres qui reflètent des liens constants et naturels des objets et phénomènes de la réalité (cf. : un paysage pittoresque, lugubre, etc. ; esquisser, ébaucher un paysage, etc.).

Ici la phraséologie sera traitée comme l'étude des locutions stables, dont la stabilité est uniquement fonction de facteurs linguistiques, ce qui revient à dire qu'elle englobe tous les agencements de mots dont les com­posants ne sont pas associés librement, conformément à leur contenu sé­mantique, mais selon l'usage.

§ 54. Les principes de classification. Tout comme le mot la locu­tion phraséologique est un phénomène excessivement complexe qui se prête à une étude multilatérale. De là les difficultés qui se présentent lorsqu'on aborde la classification des locutions phraséologiques qui pour­raient être groupées à partir de principes divers reflétant leurs nombreu­ses caractéristiques. Ainsi d'après le degré de la motivation on distinguerait les locutions immotivées (n 'avoir pas froid aux yeux - « avoir de l'éner­gie, du courage »), sémantiquement motivés (rire du bout des lèvres -« sans en avoir envie ») et les locutions à sens littéral (livrer une bataille, se rompre le cou). Conformément à leurs fonctions communicatives on pourrait dégager les locutions à valeur intellectuelle (salle à manger, le bon sens, au bout du compte), à valeur logico-émotionnelle (droit comme une faucille - « tordu », ses cheveux frisent comme des chandelles -«elle (il) a des cheveux plats »), à valeur affective (Flûte alors ! - qui marque le dépit.) Le fonctionnement syntaxique distinct des locutions phraséolo­giques permet de les qualifier d'équivalents de mots (pomme de terre, tout de suite, sans cesse), de groupements de mots (courir un danger, embarras de richesse), d'équivalents de phrases (c 'est une autre paire de manches ; qui dort dîne, qui trop embrasse mal êtreint [prov.])'.

Les locutions phraséologiques pourraient être tout aussi bien clas­sées à partir d'autres principes dont la structure grammaticale ou l'appar­tenance à un style fonctionnel. Toutefois le principe sémantique, qui est mis en vedette par V.V. Vinogradov, paraît être un des plus fructueux. Il permet de répartir les locutions phraséologiques en plusieurs groupes qui se retrouvent dans des langues différentes. En effet, les locutions phra­séologiques se laissent assez nettement répartir en quelques types selon le degré de cohésion sémantique de leurs composants.

§ 55. Les combinaisons phraséologiques. Pour un grand nombre de locutions,appelées combinaisons phraséologiques, lacohésion est relativement faible. Les mots constituant les combinaisons phra-séologiques conservent en grande partie leur indépendance du fait qu'ils s'isolent distinctement par leur sens. Les combinaisons phraséologi-ques se rapprochent des agencements de mots libres par l'individualité sémantique de leurs composants. Elles s'en distinguent cependant par le fait que les mots-composants restent limités dans leur emploi. Géné­ralement un des composants est pris dans un sens lié tandis que l'autre s'emploie librement en dehors de cette locution. L'usage a consacré rompre les liens d'amitié et briser les liens d'amitié à l'exclusion de déchirer les liens d'amitié ou casser les liens d'amitié quoique dé­chirer et casser soient des synonymes de rompre et de briser. Ch Bally remarque qu'il est correct de dire désirer ardemment et aimer éperdument, mais les adverbes de ces locutions ne sont pas interchan­geables.

Certaines combinaisons phraséologiques sont le résultat de l'emploi restreint, parfois unique, d'un des composants qui estmonosémique. Ainsi avec ouvrable nous avons seulement jour ouvrable, avec saur - hareng saur, avec baba - rester baba, avec noise - chercher noise, avec coi -rester coi - et se tenir coi.

Souvent les combinaisons phraséologiques apparaissent à la suite de l'emploi restreint d'un des composants qui est polysémique dans un de ses sens, propre ou dérivé. Tels sont, d'un côté, eau stagnante, eau douce et une mine éveillée, blesser les convenances, de l'autre.

Mais la plupart des combinaisons phraséologiques sont créées à par­tir de l'emploi imagé d'un des mots composants : un travail potable, un spectacle imbuvable, un temps pourri, être noyé de dettes, éparpiller ses efforts, un nuage de lait, sauter sur l'occasion.

Les combinaisons phraséologiques sont caractérisées par l'autonomie syntaxique de leurs composants, les rapports syntaxiques entre ces com­posants étant conformes aux normes du- français moderne.

Notons que les combinaisons phraséologiques permettent la substitu­tion du composant à sens lié par un autre vocable sans que le sens des locutions change. À côté de être noyé de dettes on dira être abîmé, cousu, criblé, perdu de dettes ; on peut faire un choix entre engager et lier la conversation, entre prendre, surprendre et trouver en faute.

Les combinaisons phraséologiques ne sont point des équivalents de mots et. par conséquent, ils n'entrent pas dans le vocabulaire en tantqif uni­tés lexicales. Toutefois la lexicologie aborde la question des combinaisons phraséologiques dans l'étude des sens liés des mots.

§ 56. Les idiomes. Les idiomes sont des locutions dont le sens glo­bal ne coïncide pas avec le sens des mots-composants. Contrairement aux combinaisons phraseologiques les idiomes présentent un tout indivisible dont les éléments ont perdu leur autonomie sémantique. D'après leur fonctionnement syntaxique ils sont tantôt des équivalents de mots et [jouent, par conséquent, le rôle d'un terme de la proposition (enveloppe mortelle - «corps humain considéré comme l'enveloppe de l'âme ». matière grise - «. intelligence », un(e) laissé(e) pour compte - « personne abandonnée à son sort ». faire grand cas de qch -<< apprécier qch ». jeter de l'huile sur le feu, d'une seule traite - « sans intèrruption ». à la carte - « qui tient compte des goûts, des désirs de chacun » tantôt des équivalents d'une propositon dont les éléments conservent une certaine autono­mie syntaxique (il n 'y a plus que le nid, l'oiseau s'est envolé, il n'y a pas de rosés sans épines).

D'après le degre de leur motivation on distingue deux types d'idiomes : les locutions soudées et les ensembles phraseologiques.

Les locutions soudées ou soudures sont les plus stables et les moins indépendantes. Elles ne se laissent guère decmposer et leur sens déoule nullement de leur structure lexicale. Leur sens est convenntionnel tout comme le sens d'un mot immotivé. Pamii les soudures viennent se placer des expressions figées telles que aller au diable Vauvert, avoir maille à partir avec qn, marquer un jour d'une pierre blanche, ne pas être dans son assiette, à la queue leu leu et beaucoup d'autres. Le sens général de toutes ces locutions ne saurait plus être expliqué dans Ile français moderne par le sens des mots-composants. Seule une analyse Iétymologique permet de rétablir le lien sémantique effacé entre le sens iréel de l'expression et celui des composants. En effet, la locution marquer un jour d'une pierre blanche qui signifie « être heureux pendant un pour » vient d'une croyance, oubliée depuis, remontant aux anciens Romains. pour qui la couleur blanche symbolisait le bonheur. L'expression aller au diable Vauvert dont le sens est « aller fort loin, se perdre, dispa-raître » se rattache à l'ancien château de Vauvert. situé aux environs de Paris, qui sous le règne de Louis XI passait pour hante par le diable. La locution à la queue leu leu qui s'écrivait d'abord à la queue le leu. où leu est l'ancienne forme de loup, voulait dire « à la queue du loup » ; Iaujourd'hui elle signifie « à la file, un par un ». ainsi que marchent les loups.

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