Les groupements lexicaux 9 страница

Par trop songer, cerveau ronger (Leroux de Li nc y) ; suivi de la préposition à :

... mais à quoi songeait-il, quand il définit l'homme « un anima] à deux pieds, sans plumes » (Montaigne) ;

avec la préposition en qui disparaît également pour l'un et l'autre verbe vers le XVIIe siècle. Par la suite le développement sémantique des verbes songer et penser suit des voies parallèles : les deux verbes reçoivent dans la construction avec la préposition à, suivie d'un infinitif, le sens d'« avoir l'intention, le dessein de faire qch » :

Le temps était très mauvais. Annette ne pensait pas à sortir de l'après-midi (Rolland).

et

.. .pas une seconde je n 'ai songé à vous retirer mon estime. (Tr oyat)

Le verbe songer acquiert, dans la construction avec la conjonction que. un sens synonyme à l'un des sens secondaires du verbe penser, celui de « supposer » : ce sens est rendu par ces deux verbes dans le français contemporain :

J'ai pensé que tu avais peut-être besoin de compagnie. (Sartre)

Pas un moment où ces maîtres excellents ne songeaient que parmi leurs élèves, dût se trouver un écrivain ou un orateur. (Re n an)

La modification du sens d'un mot peut aussi se répercuter sur l'évo­lution sémantique d'un mot à sens opposé. L'adjectif noble étant appli­qué au XVIIe siècle aux oiseaux de proie qui servaient à la chasse, ignoble a désigné désormais tous les autres oiseaux.

2. L'interdépendance des mots faisant partie de la même famille éty­mologique. L'expression perle orientale a commencé à s'employer au sens de « perle brillante ». les perles orientales étant réputées pour leur éclat : il en résulte qu'orient reçoit à son tour le sens d'« éclat » dans l'orient d'une perle. Au XVIIe siècle le verbe songer a signifié « s'aban­donner à la rêverie » sous l'influence des mots de la même famille : songerie - « rêverie, chimère » (déjà au XVe siècle), songe - « rêve. rêverie » (à partir du XVIe siècle), songeur - « celui qui s'abandonne à la rêverie » (depuis le XVIe siècle).

Toutefois la parenté étymologique n'implique pas obligatoirement la conformité sémantique ce qui est dû au caractère asymétrique de l'évo­lution de la langue. Ceci a été démontré par 0. Duchacek dans son étude spéciale consacrée au champ conceptuel de la beauté [ 19. p. 319]. Citons en guise d'exemple charme, charmes et charmant qui recèle l'idée de beauté, alors que charmer, charmeur, charmeresse en sont dépourvus.

3. L'influence des mots à sonorité similaire. Citons l'exemple de saligaud qui a pris le sens de « personne malpropre au physique et au moral » sous l'influence de sale, auquel il se rattache aujourd'hui, quoi­que historiquement il provienne du surnom Saligot.

Au niveau de la parole on pourrait signaler l'influence réciproque des mots associés par un rapport de contiguïté. Les mots constamment agencés les uns aux autres dans l'énoncé sont sujets à la contagion sé­mantique. Ce phénomène est souvent accompagné de l'ellipse. C'est ain­si que sont apparus dépêche de dépêche télégraphique, ligne de ligne de pêche, bâtiment de bâtiment de mer : dans faire la tête on sousentend faire la tête boudeuse, dans le vin dépose - le vin dépose un résidu : pour un Parisien le Bois de Boulogne devient le Bois.

Telles sont à grands traits les causes essentielles de l'évolution sé­mantique des vocables.

CHAPITRE II

LA FORMATION DES MOTS

§ 32. La formation des mots et son rôle dans l'enrichissement lexi­cal. La formation des mots est à côté de l'évolution sémantique une source féconde de l'enrichissement du vocabulaire français. La langue française « a perdu, au cours des siècles, un grand nombre de mots ; en compensa­tion, avec une intensité de vie plus ou moins grande selon les périodes, elle a constamment enrichi son vocabulaire ... surtout, par la création de termes nouveaux » [20. p.77]. Tout comme l'évolution sémantique la formation des mots nouveaux sert avant tout à la communication de nos idées et de nos sentiments. Elle est aussi largement utilisée dans des buts expressifs, comme moyen stylistique. Parmi les causes de la formation des mots nou­veaux il faut nommer en premier lieu les changements perpétuels survenus à l'intérieur de la société, les innovations multiples qui exigent une dénomi­nation. L'absence du mot voulu en nécessite la création. Cette dénomina­tion nouvelle, à condition d'être réussie et de répondre aux besoins de la communication, atoutes les chances de s'imposer à la société et de devenir, par conséquent, un mot de la langue.

L'intensité de l'enrichissement du vocabulaire au cours des siècles a connu des hauts et des bas. Il y a eu des périodes pour ainsi dire « mortes » lorsque des accès de purisme freinaient l'évolution du vocabulaire. Le XVIe siècle a sensiblement renouvelé le vocabulaire français. À cette époque Ronsard disait : « Plus nous aurons de mots dans notre langue, plus elle sera parfaite ». Un siècle plus tard Vaugelas déclarait : « II n'est permis à qui que ce soit de faire des mots, non même au souverain ».

De nos jours la « créativité » est devenue particulièrement intense Cela s'explique, d'une part, par la révolution scientifique et technique, d'autre part, par l'accès des larges masses à l'enseignement, aux mass média. Les linguistes français signalent qu'aujourd'hui chacun se croit autorisé à « néologiser » ce qui amène dans des cas d'abus à une juste réaction négative de leur part.

Dans les ouvrages de linguistique française on fait généralement en­trer dans la formation des mots divers procédés dont la dérivation affixa-le. la dérivation impropre, la dérivation régressive, la télescopie. la composition, l'abréviation et l'onomatopée. Il est à remarquer que cer­tains de ces termes n'ont pas toujours le même sens pour les linguistes différents. Même les définitions des termes les plus usités, tels que « la dérivation » et « la composition » varient selon les ouvrages traitant de la formation des mots.

Notons encore que l'interprétation de certains procédés de formation reconnus par la majorité des linguistes est parfois contestable1.

Sur quelle base repose la créativité lexicale ? Certains linguistes français préconisent la création spontanée et arbitraire des mots. Ainsi J. Damourette et E. Pichon affirmaient que « chaque Français sent en soi le pouvoir de donner du sens à des syllabes spontanément venues se présenter à lui sans qu'il les ait auparavant jamais entendu employer par un autre...» [21, p. 150-151]. Ils citent les mots trictrac- «jeu de dés ». gnaf- « cordonnier ». bibi - « petit chapeau de forme bizarre » et quelques autres appanis dans le langage populaire où la création sponta­née serait particulièrement répandue.

A. Sauvageot croit également possible de construire de toutes pièces des radicaux nouveaux au moyen de combinaisons de phonèmes exis­tants, assemblés selon les règles de la prononciation française. En guise d'exemple il propose nog-, ned-, nib-, nis-

Pourtant la plupart des linguistes estiment qu'il n'y a guère de voca­bles sans étymologie. En effet, la langue nous fournit très peu d'exem­ples de mots créés à l'aide d'éléments préalablement inexistants. Longtemps les linguistes considéraient le mot gaz comme étant artificiel­lement fabriqué. Pourtant plus tard on a appris que le créateur de ce mot. le médecin flamand van Helmont (1577-1644). avait utilisé le mot latin « chaos » (du grec « khaôs »). La fabrication purement arbitraire de mots nouveaux va à l'encontre de la fonction essentielle de la langue en tant que moyen de communication. Seulement à condition d'avoir recours aux éléments et aux modèles de formation existant déjà dans la langue on peut créer des mots véritablement viables et accessibles aux locuteurs Tout mot nouvellement créé doit être compris, c'est pourquoi il tend à définir dans une certaine mesure l'objet ou le phénomène qu'il désigne . il est nécessairement motivé à l'origine (cf. : les néologismes un lunaute, l'hyperréalisme, la grammaticalilé, un lève-tard, un lave-vaisselle, un sans-emploi, sous-payer. théâtraliser /un roman/).

Les modèles de formation agissent généralement au cours de longs siècles, toutefois leur stabilité n'est que relative : certains disparaissent substitués par d'autres, nouvellement parus. Ces changements dans le système de formation se font très lentement en comparaison du renouvel­lement du vocabulaire. Ainsi nous constatons, d'une part, la disparition du suffixe -âge qui servait à former des adjectifs dans le vieux français (chant ramage), d'autre part, nous assistons à l'apparition du suffixe des adjectifs -ique qui s'est dégagé vers le XVIe siècle des emprunts faits au latin (du type de empirique, domestique, honorifique, excentrique, héral­dique). Le XIXe siècle a vu naître l'élément formateur -bus (trollevbus, bibliobus) [23. p. 48].

Au XXe siècle on signale l'apparition de plusieurs suffixes. De l'an­glais, dont l'influence devient prépondérante, on emprunte -ing, -er. Les linguistes constatent que le français a développé d'une manière originale la signification du suffixe -ing : les mots en -ing ne désignent plus seulement l'action (caravaning, forcing - en sport « attaque soutenue contre un adver­saire qui se tient sur la défensive » : faire le forcing), mais aussi le lieu où s'accomplit l'action (dancing, parking, pressing ; « on va au pressing com­me à la boulangerie », dit J. Dubois). Quant au suffixe -er, il se dégage nettement dans reporter (-> reportage). Par suite des progrès de la physi­que atomique de électron - « particule élémentaire chargée d'électricité négative ou positive » (formé de électro et ion) on a tiré deux suffixes nouveaux -on et -tron. Le premier a donné négaton (de négatif) - « élec­tron négatif » et positon (de positif) - « particule élémentaire à charge positive ». nucléon - « particule constitutive du noyau atomique » et aussi baryon. hypéron ; du second on a fonné cyclotron (de cyclo et électron) -« accélérateur de particules lourdes », synchrotron (de synchro et tron). magnétron (de magnéto et tron) : on voit aussi apparaître le synchrophasotron, invention soviétique plus efficace que le précédent synchrocyclotron.

Notons encore -rama extrait de panorama, très'en vogue dans la publicité où il sert à la création de termes dont l'allure baroque est faite pour attirer l'attention ; son sens assez flottant pourrait être défini comme « spectaculaire, hors ligne, grandiose, frappant par la diversité » ; il a donné des créations, dont la vie a été de courte durée, telles que beautérama, stylorama - « festival d'élégance et de beauté ». décorama - « nou­velle gamme de coloris et tissu ». bijourama - « étalage d'une diversité de pierres précieuses ». stick 'rama - « crayon à paupières » Certains dérivés avec -rama comme cinérama, discorama, castorama semblent être d'un usage plus courant. « On assiste depuis quelques années à une véritable invasion du suffixe -rama », dit R. le Bidois. qu'il qualifie de « suffixoramanie » [24. p. 50].

Le renouvellement du système suffixal peut porter sur un affixe an­cien qui subit une modification formelle ou sémantique. De ce fait résulte l'apparition de variantes sémantico-formelles ou sémantiques des affixes existants Ainsi le français connaît depuis longtemps le suffixe -ique qui forme des substantifs désignant une branche scientifique. (Il est connu que le terme sémantique a été créé par M Bréal en 1883 sur le modèle de phonétique déjà existant).

Récemment apparaissent des variantes de ce suffixe sous forme de -tique et -matique. dont les dérivés servent à dénommer de nouvelles technologies. Il est très probable qu'elles se soient dégagées du terme informatique par l'ablation de deux segments finals différents. 11 s'ensuit que durant les dernières décennies on assiste à l'apparition d'un nombre considérable de dérivés avec ces variantes. Tels sont entre autres : créatique - « techniques de stimulation de la créativité ». bureautique - « en­semble des techniques et des procédés propres à automatiser les activités du bureau ». robotique - « ensemble des études et des techniques de conception et de mise en œuvre des robots ». acousmatique - « musique composée et interprétée par ordinateur ». domotique - « électronique do­mestique ou application généralisée de l'électronique à l'habitat », télé­matique - « ensemble des services ou des techniques permettant aux usagers d'un réseau de télécommunications d'obtenir des informations sur leur demande ».

Ajoutons encore bébématique. création quelque peu baroque, dési­gnant la science qui concerne les bébés obtenus par fécondation artificielle

Le foisonnement des dérivés avec ces variantes de -ique a donné naissance au mot (les) tiques - nom global donné plaisamment à l'en­semble des sciences et des techniques nouvelles.

Pareillement à la variante -tique le suffixe -ite qui forme depuis long­temps des ternies médicaux désignant des maladies de nature inflamatoi-re a acquis au cours des dernières décennies un nouveau contenu sémantique II a pris une valeur métaphorique - « manie, habitude mala­dive ». Dans ce sens -ite a créé toute une série de dérivés à valeur péjora­tive parmi lesquels un certain nombre de mots d'ordre linguistique. De ces derniers signalons : adjectivile créé par Le Bidois qui lui donne la caractéristique suivante :«...l 'adjectivite consiste principalement à rem­placer par un adjectif un nom qui fait fonction de complément détermina-tif... ». Ont été aussi formés néologite - « manie de créer des néologismes », jargonnite - « une des maladies les plus répandues de la langue contem­poraine » ; et de même substantivite, futurite. coriditionnite.

Outre les formations, reflétant des phénomènes linguistiques, on en . compte un grand nombre qui désignent des penchants différents Tels sont réunionite, réformite, opiniomle, espionnite, sondagite, pétitionni-te, stagite, diplômite (« pour être jardinier il faut être diplômé »). collectionnite.

Au XXe siècle apparaît, sous l'influence de l'anglais, un nouveau modèle de formation de mots composés : nord-africain, sud-américain qui sont les équivalents des groupements de mots « de l'Afrique du nord ». « de l'Amérique du sud »

Les modifications portent parfois sur tout un procédé de formation qui peut subitement acquérir une vigueurdontil était dépourvu jusque-là. Tel a été le cas de l'abréviation qui devient un moyen productif à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle ; ce procédé, issu du langage populai­re, a pénétré au cours du XXe siècle dans la langue littéraire.

Les dernières décennies on vu l'explosion du télescopage - forma­tion de vocables par la jonction de tronçons de mots contigus.

Les procédés de formation des mots énumérés au début de ce para­graphe pourraient être répartis en quelques types : procédés morphologi­ques, phonético-morphologiques et phonétiques. Les premiers englobent les dérivations affixalc (suffixation et préfixation), parasynthétiquc. ré­gressive, impropre, la composition . les seconds - le télescopage, l'abré­viation ; le dernier - l'onomatopée . ajoutons encore le redoublement et la déformation des mots.

§ 33. La dérivation par suffixes. Généralités. La dérivation suf-fîxale est un procédé de formation bien vivant et particulièrement pro­ductif dans le français contemporain [23. p. 199-203]. ce qui est démontré avec évidence par J. Dubois dans son ouvrage « Étude sur la dérivation suffixale en français moderne et contemporain » (P . 1962).

Le degré de vitalité et de productivité des suffixes existants, n'étant pas toujours le même au cours du temps, nous sommes en présence de deux tendances contraires : certains suffixes ont à peu près bu tout à fait cessé d'être productifs : d'autres sont en pleine vigueur et productivité. Pourtant les suffixes moins productifs ne sont pas sans importance, eux non plus, dans le français d'aujourd'hui. C'est que ces suffixes, qui étaient jadis bien productifs, ont enrichi le vocabulaire d'un grand nombre de mots qui ont reçu un large emploi : certains de ces mots font partie du fonds usuel du vocabulaire. Entre autres, on peut signaler les dérivés avec les suffixes peu productifs aujourd'hui néanmoins fort répandus. Parmi ces suffixes nom­mons -eur (grandeur),

-esse (tendresse), -ise (franchise), etc.

Les parties du discours sont à un point différent sujettes à la suffixa­tion. Ce sont surtout les nominaux (substantifs, adjectifs, adverbes) qui sont caractérisés par la suffixation. Les verbes formés à l'aide de suffixes sont relativement moins nombreux.

§ 34. Les suffixes servant à former des substantifs abstraits. Les suffixes des substantifs sont fort nombreux. D'après leur fonction séman­tique ils se laissent répartir en plusieurs groupes plus ou moins considéra­bles. Surtout nombreux sont les suffixes formant des substantifs à sens abstrait, tels que l'action, la qualité, etc.

Examinons à part ces groupes divers de suffixes.

Ce sont tout d'abord les suffixes des substantifs exprimant l'action envisagée en dehors de son rapport avec l'agent de l'action de même que d'autres sens proches ou dérivés.

Parmi les suffixes formant des substantifs désignant l'action les plus productifs sont -ation,-(e)ment, -âge. Une des premières places revient au suffixe -ation avec ses variantes -isation,

-ition, -tion, -ion prove­nant du latin -ationem, -itionem, -tionem, -ionem ; signalons aussi la va­riante -isation qui apparaît dans printanisation, vernalisation. Ce suffixe et surtout ses variantes

-ation, -isation est très répandu et productif dans le français contemporain. Le nombre de ses dérivés augmente constam­ment et enrichit avant tout le lexique à valeur sociale et politique. On peut signaler les dérivés récents tels que : alphabétisation, africanisation, climatisation, clochardisation, culturalisation, cybernétisation, dynamisution, marginalisation, médicalisation, périodisation, profession-nalisation, structuration, conceptualisation.

Etymologiquement les substantifs avec ce suffixe sont des emprunts au latin ou des dérivés de verbes ; en français moderne ils se trouvent pour la plupart en corrélation avec des verbes ; exploitation < <— exploi­ter ; amélioration < <- améliorer ; distribution < <- distribuer ; progres­sion < <— progresser. Plus rarement ils sont en corrélation avec d'autres parties du discours, tels certains dérivés avec la variante -isation : cons­cientisation <- conscient, planétisation <— planète, tiers-mondisation <-tiers monde, piétonisation <—piéton(ne).

Outre l'action les dérivés avec ce suffixe peuvent exprimer l'instru­ment de l'action '.procuration - « qui sert à procurer qch » ; l'objet ou le résultat de l'action -.fondation - « ce qui est fondé » ; le lieu où l'action s'effectue : habitation - « lieu que l'on habite »'.

Les dérivés avec ce suffixe peuvent exprimer un processus : germi­nation, évaporation, cicatrisation, habilitation. Il peuvent rendre aussi un état : hésitation, exaltation, humiliation.

Le suffixe -(e)ment, du latin -amentum, fort productif durant des siè­cles semble perdre son ancienne vitalité. Au cours du temps il a donné un grand nombre de dérivés, dont beaucoup appartiennent aux terminologies technique, industrielle et agricole ; tels sont, par exemple : déraillement, fusionnement, effritement, assolement. Parmi les formations récentes ci­tons : chamboulement, contingentement, plafonnement, positionnement.

Les substantifs avec ce suffixe sont presque exclusivement des déri­vés de verbes, avec lesquels ils se trouvent en corrélation : raisonnement < <— raisonner, applaudissement < <— applaudir.

Remarquons que le suffixe -(e)ment forme un groupe de dérivés qui désignent des cris d'animaux, des bruits différents ; par exemple : aboie­ment, bêlement, beuglement, gloussement, coassement, croassement, ga­zouillement, hennissement, hurlement, rugissement, claquement, craquement, grincement, sifflement, tintement, etc.

Outre l'action les dérivés avec -(e)ment peuvent exprimer le résultat de l'action : bâtiment, l'instrument (ou parfois l'objet) de l'action : orne­ment, accoutrement, enjolivement, le lieu où s'effectue l'action : loge­ment.

Les dérivés avec le suffixe -(e)ment peuvent encore exprimer un processus : bourgeonnement, caillement, épanouissement ; un état : épou-vantement, attendrissement, mécontentement, découragement.

Le suffixe -âge du latin -aticum est un autre suffixe particulièrement productif. Son pouvoir créateur s'est sensiblement accru en français mo­derne ce qui s'explique par son rôle particulier en tant que formateur de termes techniques et industriels : zingage - «цинкование», taraudage -«нарезывание винтовой насечки», bétonnage - «бетонирование», badigeonnage - «крашение клеевой краской», rentrayage -«художественная штопка» etc. Contrairement aux suffixes -ation et -(e)ment, dont une grande partie des dérivés est d'un emploi commun, le suffixe -âge forme, en règle générale, des dérivés d'un emploi restreint.

La majorité des substantifs avec -âge sont dérivés de verbes avec lesquels ils sont en corrélation : arrosage < <- arroser, labourage < <-labourer, blanchissage < <— blanchir, grenouillage < <— grenouiller1.

Parmi les dérivés avec le suffixe -âge qui expriment l'action on peut isoler un groupe désignant « la manière de parler », « le discours ayant une caractéristique supplémentaire » : bredouillage, bavardage, chuchota-ge, baragouinage, etc.

Les dérivés avec le suffixe -âge ont tendance à exprimer des actions plus particulières, plus restreintes que les verbes correspondants. Il en est ainsi pour le substantif pressurage. Il est dérivé du verbe pressurer, qui peut prendre un sens propre ou figuré (pressurer les contribuables) alors que pressurage veut dire uniquement « presser une substance ou moyen d'une presse » ; copiner signifie « avoir des relations amicales avec qn » et copinage est un synonyme de « favoritisme » ; le verbe arriver a des significations et des emplois variés, alors que le sens de son dérivé arri­vage est très restreint - « arrivée des marchandises par mer ou une autre voie ».

1 Dans ces cas le rôle du suffixe se borne à donner au dérivé la forme d'un substantif. On peut signaler quelques cas peu nombreux où les substantifs avec ce suffixe ont été historiquement dérivés de substantifs : pourtant avec l'apparition ultérieure des verbes correspondants, ces formations ont été envisagées comme les dérivés de ces derniers, par exemple : arpentage (1293) ( <arpent) <- arpenter ( \884),parrainage ( 1836) (<parrain) <— parrainer ( 1935), baragouinage ( 1546) (< baragouin) <- baragouiner ( 1580).

Rien que pour des créations isolées les verbes correspondants n'ont pas été formés, par exemple : gardiennage < gardien, charronage < charron, commérage < commère Nous sommes alors en présence de cas où le suffixe -âge communique lui-même au dérivé l'idée de l'action.

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