Quelques termes de la stylistisque
- L’ESPRIT PRÉOCCUPÉ DE D’ARTAGNAN.
Cependant les quarante pistoles du roi Louis XIII, ainsi que toutes les choses de ce monde, après avoir eu un comencement avaient eu une fin, et depuis cette fin nos quatre compagnons étaient tombés dans la gêne. /…/ On vit les affamés suivis de leurs laquais courir les quais et les corps de garde ramassant chez leurs amis du dehors tous les dîners qu’ils purent trouver; car suivant l’avis d’Aramis, on devait dans la prospérité semer des repas à droite et à gauche pour en récolter quelques-uns dans la disgrâce. Atos fut invité quatre fois et mena chaque fois ses amis avec leurs laquais. Porthos eut six occasions /…/; Aramis en eut huit. /…/
/…/ D’Artagnan /…/ ne trouva qu’un déjeuner de chocolat chez un prêtre de son pays, et un dîner chez un cornette des gardes. Il mena son armée chez le prêtre, auquel on dévora sa provision de deux mois, et chez le cornette, qui fit des merveilles; mais comme le disait Planchet, on ne mange toujours qu’une fois, même quand on mange beaucoup. D’Artagnan se trouva donc assez humilié de n’avoir eu qu’un repas et demi, car le déjeuner chez le prêtre ne pouvait compter que pour un demi-repas à offrir à ses compagnons en échange des festins que s’étaient procurés Athos, Porthos et Aramis. Il se croyait à charge de société /…/, et son esprit préoccupé se mit à travailler activement.
Il réfléchit que cette coalition de quatre hommes jeunes, braves, entreprenants et actifs devait avoir un autre but que des promenades déhanchées, des leçons d’escrime et des lazzi plus ou moins spirituels. En effet, quatre hommes comme eux, quatre hommes dévoués les uns aux autres depuis la bourse jusqu’à la vie, quatre hommes se soutenant toujours, ne reculant jamais, exécutant isolément ou ensemble les résolutions prises en commun; quatre bras menaçant les quatre points cardinaux ou se tournant vers un seul point, devaient inévitablement, soit souterrainement, soit au jour, soit par la mine, soit par la tranchée, soit par la ruse, soit par la force, s’ouvrir un chemin vers le but qu’ils voulaient atteindre, si bien défendu ou si bien éloigné qu’il fût.
La seule chose qui étonnât d’Artagnant, c’est que ses compagnons n’eussent point songé à cela. Il y songea, lui, et sérieusement même, se creusant la cervelle pour trouver une direction à cette force unique quatre fois multipliée avec laquelle il ne doutait pas que, comme avec le levier que cherchait Archimède, on ne parvint à soulever le monde-lorsqu’on frappa doucement à la porte. D’Artagnan réveilla Planchet et lui ordonna d’aller ouvrir.
Alexandre Dumas /1802-1870/. «Les trois mousquetaires».
1. La traduction complète et littéraire de ce texte.
2. Trouvez dans deux premiers alinéas trois sentences, commentez-les et donnez votre exemple d’une sentence (d’un aphorisme) et de son interprétation.
3. Quel est le rôle de l’ironie dans ce texte? Trouvez et commentez tous les cas de l’emploi de l’ironie.
4. Que peut on dire du personnage principal en se basant sur le texte?
5. Donnez un autre titre au texte et intitulez toutes ses 4 parties. Quel est le rôle de chaque partie dans la composition générale?
6. Ce texte est très pittoresque et décoré. Omettez tous les détails et résumez son essentiel en une ou deux phrases.
7. Parlez de la vie et de l’œuvre de Dumas.
8. Savez-vous qui frappe doucement à la porte du héros? Résumez brièvement le roman.
9. Analysez (traduction, direction, emploi, expressions intéressantes ou utiles, etc): a)fois, b)même, c)chose, d)point, aucun(-e), nul(-le), e)nom+à+infinitif (10 exemples) et la signification de cette construction.
10. Parlez des procédés stylistiques employés par l’auteur. Trouvez toutes les figures de style.
11. Donnez la caractéristique générale du texte.
12. Résumez le texte.
13. Préparez un exposé (de 2 à 3 min.) sur le thème «Les différentes façons de chercher (et de trouver) ses idées».
- RHINOCÉROS.
«Rhinocéros» met en scène une petite ville tranquille soudain bouleversée par l’arrivée de rhinocéros. D’abord frappés de stupeur, les habitants s’habituent si bien à la situation qu’ils deviennent peu à peu rhinocéros eux-mêmes.(1) Seul, Bérenger qui refuse toutes les formes de conformisme, n’est pas atteint. Au dénouement, dans la plus grande solitude, il s’interroge sur la situation: ne serait-il plus simple de faire comme tout le monde?(2)
Acte III /fin de la pièce/.
Bérenger.
C’est moi, c’est moi. /Lorsqu’il accroche les tableaux, on s’aperçoit que ceux-ci représentent un viellard, une grosse femme, un autre homme. La laideur de ces portraits contraste avec les têtes des rhinocéros qui sont devenues très belles. Bérenger s’écarte pour contempler les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace./ Ce sont eux qui sont beaux.(3) J’ai eu tort! Oh! comme je voudrais être comme eux. Je n’ai pas de corne, hélas! Que c’est laid, un front plat. Il m’en faudra une ou deux pour rehausser mes traits tombants. Ça viendra peut-être, et je n’aurais plus honte, je pourrais aller tous les retrouver.(4) Mais ça ne pousse pas! /Il regarde les paumes de ses mains./ Mes mains sont moites. Deviendront-elles rugueuses ? /Il enlève son veston, défait sa chemise, contemple sa poitrine dans la glace./ J’ai la peau flasque. Ah, ce corps trop blanc! et poilu! Comme je voudrais avoir une peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur! /Il écoute les barrissements./ Leurs chants ont du charme, un peu âpre, mais un charme certain! Si je pouvais faire comme eux. / Il essaie de les imiter./ Ahh, ahh,brr! Non, ça n’est pas ça! Essayons encore plus fort! Ahh, ahh, brr! Non, non, ce n’est pas ça! Que c’est faible, comme cela manque de vigueur! Je n’arrive pas à barrir. Je hurle seuleument. Les hurlements ne sont pas les barrissements! Comme j’ai mauvaise conscience, j’aurais dû les suivre à temps. Trop tard maintenant!(5)
Hélas, je suis un monstre. Hélas, jamais je ne deviendrais rhinocéros, jamais, jamais!(6) Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J’ai trop honte!(7) /Il tourne le dos à la glace./ Comme je suis laid!(8)Malheur à celui qui veut conserver son originalité!(9) /Il a un brusque sursaut./ Eh bien, tant pis! Je me défendrai contre tout le monde. Ma carabine, ma carabine! Contre tout le monde, je me défendrai! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout! Je ne capitule pas! RIDEAU
Eugène Ionesco (1912 – 1994). «Rhinocéros».
- La traduction complète et littéraire de ce texte.
- Sur l’éxemple du premier alinéa résumez en quelques lignes le contenu et la problématique de quelque pièce sans la nommer.
- Commentez les neuf fragments soulignés.
- Parlez sur le thème: Le conformisme et moi (1 min).
- Parlez de quelques animaux qui sont plus beaux que l’homme – dans leur extérieur, leur conduite et leur psychologie.
- Donnez la définition du paradoxe. Ce texte est basé sur le paradoxe, montrez-le.
- Ce texte est très expressif. Faites la description neutre, scientifique du rhinocéros.
- Trouvez toutes les figures de style et analysez la composition du texte.
- Analyse du lexique. Expliquez en français ce que c’est que: stupeur, nf; conformisme, nm; solitude, nf; fureur, nf; conscience, nf; honte, nf; malheur, nm; originalité, nf; temps, nm.
- Parlez de Ionesco.
- Comparez le discours monologique et le discours dialogique: traits caractéristiques, distinctions et ressemblances, particularités de structure, etc.
- Donnez la caractéristique générale du texte.
- Résumez le texte.
- Préparez un exposé (de 2 à 3 min.) sur le thème «Le motif du cri dans l’art (littérature, théâtre, peinture, musique, cinéma)».
3.
SUR LE QUAI DE LA GARE.
L’action du roman «Vipère au poing» se passe dans les années trente dans les milieux de l’aristocratie provinciale appauvrie. Jean («Brasse-Bouillon») se souvient de sa première rencontre avec ses parents revenant de la Chine après la mort de la grand-mère qui s’occupait de Jean et de son frère aîné, Frédie. Au centre du roman – la guerre de Jean contre sa mère pour la liberté.
Rappelés par télégramme, M. et Mme Rezeau mirent huit mois à rentrer. Un beau soir, nous nous trouvâmes alignés sur le quai de la gare de Segré, très excités et difficilement contenus par la tante Bartolomi et par notre gouvernante. La locomotive parut avec dix minutes d’un retard qui nous semblait insupportable, mais que bientôt nous pourrons souhaiter centenaire. Le wagon de nos parents stoppa exactement devant nous. Une paire de moustache au ras de la vitre et un chapeau en forme de cloche à fromage décidèrent Mademoiselle à passer une suprème inspection: - Frédie, sortez les mains de vos poches. Brasse-Bouillon, tenez-vous droit.
Mais la vitre s’abaissait. De la cloche à fromage jaillit une voix: - Venez prendre les bagages, Mademoiselle. Ernestine Lion rougit, protesta rapidement dans l’oreille de la comptesse Bartolomi: - Mme Rezeau me prend pour la femme de chambre. Mais elle s’exécuta. Notre mère, satisfaite, découvrit deux dents d’or, ce que, dans notre candeur, nous prîmes immédiatement pour un sourire à notre adresse. Enthousiasmés, nous nous précipitâmes, dans ses jambes, à la portière. – Allez-vous me laisser descendre, oui !
Pour couper court à toutes effusions, Mme Rezeau lança rapidement à droite, puis à gauche, ses mains gantées. Nous nous retrouvâmes par terre, giflés avec une force et une précision qui dénotaient beaucoup d’entraînement. – Oh! fit tante Thérèse. – Vous dites, ma chère amie? s’enquit madame notre mère. Nul ne broncha. Bien entendu, nous sanglotions. – Voilà tout le plaisir que vous cause mon retour! reprit Mme Rezeau. Eh bien! Ça va être charmant. Je me demande quelle idée de nous a bien pu leur donner votre pauvre mère. La fin de cette tirade s’adressait à un monsieur ennuyé, que nous sûmes ainsi être notre père. Il portait un grand nez et des bottines à boutons. - Voyons, relevez-vous, fit-il d’une voix sourde. Vous n’avez pas seuleument dit bonjour à Marcel.
Où était-il, le petit frère? Nous partîmes à sa recherche et le découvrîmes derrière la malle d’un voyageur anonyme. – C’est vous, mes frères? s’enquit prudemment ce jeune homme, déjà peu loquace. Frédie lui tendit une main qu’il ne prit pas. Au même instant, Mme Rezeau annonça: - Les enfants! prenez chacun une valise. Celle qui m’échut était beaucoup trop lourde pour mes huit ans. Un coup de talon dans le tibia me donna des forces. Le cortège s’ébranla.
«Vipère au poing ».
Hervé Bazin (né en 1911)