Les neologisme du francais moderne
Les néologismes. Généralités. Les néologismes (du gr. neos -« nouveau » et logos - « notion, mot ») sont des mots et des locutions . nouvellement surgis dans la langue, ainsi que des mots anciens employés dans un sens nouveau. Les néologismes reflètent d'une façon manifeste le lien indissoluble qui existe entre la pensée et la langue. Toute notion nouvelle engendrée par la pratique de l'homme dans les multiples domaines de son activité reçoit nécessairement une dénomination dans la langue. Ainsi apparaissent les néologismes.
Les néologismes sont non seulement des créations indigènes, des vocables formés par les moyens internes de la langue même, mais aussi des emprunts faits à d'autres idiomes.
Les vocables figurent dans la langue en qualité de néologismes tant qu'ils sont perçus comme y étant introduits récemment. Peu à peu. avec le temps, ils se confondent avec les vocables plus anciens, finissent par ne plus s'en distinguer et perdent ainsi leur valeur de néologismes. Certains d'entre eux. créés dans des buts sensationnels ou représentant des fabrications fâcheuses, sont relégués dans l'oubli presque aussitôt après leur naissance.
Il est fort difficile et le plus souvent impossible d'établir exactement la date de l'apparition d'un néologisme, car l'enrichissement graduel de. la langue est le résultat des efforts réunis du peuple en entier. C'est à l'esprit populaire qu'on est redevable de maintes créations heureuses, souvent plaisantes, telles que amuse-gueule, couche-lard, remue-méninges, grenouillage, touristocrate, diplômite, déboussoler, lézarder (au soleil), moulinette, entrées dans l'usage dans le courant du XXe siècle. Seulement pour certains vocables dont l'auteur est connu on peut indiquer la date plus ou moins précise de l'apparition. Ce sont pour la plupart des ternies scientifiques et techniques qui, devant être précis par excellence, contiennent souvent leur propre définition comme, par exemple, oxygène (« propre à engendrer les acides ». du gr. oxus - « acide » et gennân - « engendrer ») créé en 1786 par A. Lavoisier : sociologie formé en 1830 de société et du gr. logos - « discours ». « traité » par A. Comte sur le modèle de mots savants comme biologie, géologie, etc. : cinématographe créé au début du XXe siècle par les inventeurs, les frères Lumière, du gr. kinêma - « mouvement » et graphein - « écrire » et vulgarisé sous la forme de cinéma et ciné. Le mot socialisme était formé dans les années 30 du siècle dernier par le socialiste-utopiste P. Leroux, et encore son sens n'était-il pas très précis. P. Ronsard était convaincu d'avoir créé le mot ode. mais en réalité, ce mot était déjà employé avant lui.
Les innovations lexicales servent avant tout à donner un nom aux objets et aux concepts nouveaux ; ce sont des néologismes dénominatifs. Il faudrait leur opposer les néologismes expressifs qui répondent non pas à la nécessité de fixer des phénomènes nouveaux, mais au besoin d'expression affective et appréciative (cf. : idéologisation, d'une part, et lavage de cerveau, de l'autre).
On distingue les néologismes l i n g u i s t i q u e s et les néologismes i n d i v i d u e l s (dits stylistiques ou hapax). Les premiers sont le patrimoine de toute la nation et font partie du vocabulaire de la langue. Les derniers sont des inventions individuelles créées généralement par des écrivains dans des buts esthétiques comme moyen d'expression littéraire ; les créations individuelles n'appartiennent pas à la langue nationale, n'étant compris que dans le texte où ils sont employés et auquel ils restent attachés.
Cependant les néologismes stylistiques les mieux réussis ont toutes les chances de passer dans le vocabulaire de la langue nationale : tel a été le sort de s'égosiller créé par Molière, de mégère introduit au sens figuré par Saint-Simon ; c'est à V. Hugo qu'on doit hilare et gavroche et à H. de Balzac gâterie.
Il est à signaler que les néologismes linguistiques peuvent être aussi bien dénominatifs qu'expressifs, alors que les néologismes stylistiques sont pour la plupart des néologismes expressifs. Ainsi les néologismes se différencient selon les fonctions qu'ils remplissent dans le processus de communication.
Les néologismes ne passent pas toujours sans encombre dans la langue nationale. De tout temps ils ont été freinés par les puristes.
En France le mouvement puriste atteint son apogée au XVIIe siècle. En ce siècle d'ordonnance et de clarté les défenseurs « du bon usage » condamnaient tout néologisme au nom de « la belle harmonie » du fran-çais qui à leurs jeux avait atteint la perfection. S'il avait été possible de suivre cette voie le français serait devenu « langue morte ».
À la tête du mouvement puriste s'est toujours trouvée et se trouve jusqu'à présent l'Académie française. En 1937, auprès de l'Académie, a été fondée une commission spéciale « L'office de la langue française » qui avait pour fonction de faire « le choix » des mots, de rejeter les néologismes « trop hardis ». Cependant le besoin de communiquer des idées nouvelles impose forcément à la langue les créations les plus heureuses Au XVIIe siècle on critiquait en tant que néologismes les mots exactitude, gratitude, emportement, accablement qui sont aujourd'hui dans toutes les bouches. À propos de à présent Vaugelas écrivait : « Je sais bien que tout Paris le dit et que la plupart de nos meilleurs écrivains en usent : mais je sais aussi que cette façon de parler n'est point de la cour, et j'ai vu quelquefois de nos courtisans, hommes et femmes, qui, l'ayant rencontré dans un livre d'ailleurs très élégant, en ont soudain quitté la lecture, comme faisant par là un mauvais jugement du langage de l'auteur. On dit : à celte heure, maintenant, aujourd'hui, en ce temps, présentement. »
Encore au milieu du XXe siècle on pouvait voirblâmer fortuné, accidenté au sens de « victime d'un accident», dévisager au sens de « regarder», débaucher dans « débaucher des ouvriers » qui de fait étaient déjà d'un usage courant.
Signalons cependant que seulement une partie des néologismes survit dans la langue La langue qui se développe d'après ses propres lois ne se laisse guère imposer des créations baroques dues à la mode ou à quel-que tendance passagère. Ces mots sont, en règle générale, voués à la mort
Seuls les néologismes d'une bonne frappe, formés d'après les lois du développement de la langue et répondant aux exigences de la société, méritent véritablement d'être acceptés Les vocables nouvellement créés sont surtout nombreux aux époques des grands changements et des bouleversements produits à l'intérieur de la société sans que toutefois cette abondance de néologismes se fasse ressentir sur le système même de la langue.