Les groupements lexicaux 4 страница

À l'intérieur d'un même sémantème on dégage selon le degré d'abs­traction les sèmes génériques et les sèmes spécifiques. Les sèmes généri­ques sont communs à plusieurs vdcables sémantiquement apparentés, ils sont intégrants. Les sèmes spécifiques distinguent sémantiquement ces vocables les uns des autres, ils sont différentiels. Pour chaise et fauteuil le sème générique est « siège » (S,), les autres sèmes sont spécifiques (S,. S3, S4 pour chaise. S,. S3, S4. S5 pour fauteuil). Le sème différentiel qui distingue fauteuil de chaise est « avec bras ». Ainsi les sèmes différen-ciels créent les oppositions sémantiques entre les vocables.

On distingue encore les sèmes occasionnels ou potentiels qui peu­vent se manifester sporadiquement dans le discours . Pour fauteuil on pour­rait occasionnellement déceler le sème potentiel de « confort ». Il apparaît nettement dans la locution familière arriver dans un fauteuil - « arriver premier sans peine dans une compétition ». Dans le sémantème de car­rosse on perçoit facilement le sème potentiel « richesse » qui devient un sème spécifique dans la locution rouler carrosse. Également dans la lo­cution dans l'huile le sème potentiel « aisance, facilité » se hausse au niveau d'un sème spécifique. Il s'ensuit que les sèmes potentiels sont d'importance pour l'évolution sémantique des vocables. Ainsi l'analyse sémique permet de pénétrer la structure profonde de la signification des vocables et de mettre en évidence leurs traits sémantiques différentiels.

§ 11. Le sens étymologique des vocables. Les vocables motivés et immotivés. Depuis longtemps les linguistes se sont affranchis de l'opi­nion simpliste qui régnait parmi les philosophes grecs antiques selon la­quelle le mot, le « nom » appartient à l'objet qu'il désigne. Il est évident qu'il n'y a pas de lien organique entre le mot, son enveloppe sonore, sa structure phonique et l'objet qu'il désigne. Pourtant le-mot. son envelop­pe sonore, est historiquement déterminé dans chaque cas concret. Au moment de son apparition le mot ou son équivalent tend à être une carac­téristique de la chose qu'il désigne. On a appelé vinaigre l'acide fait avec du vin. tire-bouchon - une espèce de vis pour tirer le bouchon d'une bouteille. Un sous-marin est une sorte de navire qui navigue sous l'eau et un serre-tête - une coiffe ou un ruban qui retient les cheveux. Il en est de même pour les vocables existant déjà dans la langue, mais servant à de nouvelles dénominations. Par le motaiguille on a nommé le sommetd'une montagne en pointe aiguë rappelant par sa forme une aiguille à coudre. L'enveloppe sonore d'un mot n'est pas due au hasard, même dans les cas où elle paraît l'être. La table fut dénommée en latin tabula - « planche » parce qu'autrefois une planche tenait lieu de table. Le mot latin cal-culus - « caillou » servait à désigner le calcul car, anciennement, on comp­tait à l'aide de petits cailloux.

La dénomination d'un objet est basée sur la mise en évidence d'une particularité quelconque d'un signe distinctif de cet objet.

Le sens premier, ou originaire, du mot est appelé sens étymologique. Ainsi, le sens étymologique du mot table est « planche » ; du mot linge < lat. lineus, adj. « de lin » ; du mot candeur < lat. condor - « blancheur éclatante » ; du mot rue < lat. ruga-« ride ». Le sens primitif de travail < lat. pop. tripalium est « instrument de torture » ; dépenser < \at.pensare — « peser » ; de traire < lat. trahere - « tirer »'.

Il est aisé de s'apercevoir d'après ces exemples que le sens étymologi­que des mots peut ne plus être senti à l'époque actuelle.

En liaison avec le sens étymologique des mots se trouve la question des mots motivés et immotivés sans qu'il y ait de parallélisme absolu entre ces deux phénomènes.

Nous assistons souvent à la confusion du sens étymologique d'un mot et de sa motivation. Toutefois le sens étymologique appartient à l'his­toire du mot, alors que la motivation en reflète l'aspect à une époque donnée.

Tous les mots d'une langue ont forcément un sens étymologique, explicite ou implicite, alors que beaucoup d'entre eux ne sont point mo­tivés. Tels sont chaise, table, sieste, fortune, manger, etc. Par contre, nous aurons des mots motivés dansjournaliste, couturière, alunir, por­te-clé, laisser-passer dont le sens réel émane du sens des éléments com­posants combinés d'après un modèle déterminé. La motivation de ces mots découle de leur structure formelle et elle est conforme à leur sens étymologique. Il en est autrement pour vilenie dont la motivation actuelle est en contradiction avec le sens étymologique puisque ce mot s'associe non plus à vilain, comme à l'origine, mais à vi/et veut dire « action vile et basse ». On dit d'un mot motivé qu'il possède « une forme interne »*. Pour les mots à structure morphologique (formative) complexe on distin­gue la motivation directe et indirecte. On assiste à la motivation directe lorsque l'élément (ou les éléments) de base du mot motivé possède une existence indépendante. Dans le cas contraire il y aura motivation indirecte. Ainsi journaliste formé à partir de journal ou lèche-vitrine tiré de lécher et vitrine seront motivés directement. Par contre, oculiste et aqua­tique le seront indirectement du fait que ocul- et aqua- n'existent pas sous forme de mots indépendants.

Il est à noter que la structure formelle motive généralement un mot dans son sens propre. Quant aux acceptions dérivées, elles ne sont pas nécessairement rattachées au sens des éléments formant le mot. Le sens de lacet dans lacet pour chaussures s'associe au verbe lacer, mais il n'en sera rien dans route en lacet. Le mot gouttière qui dans la terminologie chirurgicale sert à dénommer un appareil soutenant un membre malade n'a rien à voir avec goutte (cf. : gouttière dans chat de gouttière).

Un mot peut donc être motivé non seulement par le lien sémantique existant entre ses parties constituantes, mais aussi par l'association qui s'établit entre ses diverses acceptions. Le mot chenille pris au sens dérivé dans chenille d'un tout-terrain est motivé grâce au lien métaphorique qui l'unit à son sens propre. Nous dirons que ce mot sera sémantiquement motivé dans son sens dérivé. Nous sommes alors en présence d'une moti­vation sémantique.

Une grande partie des locutions toute faites sont le plus souvent moti­vées. La motivation phraséologique repose sur le rapport lexico-sémantique qui s'établit entre la locution et le groupement de mots libres correspondant. Citons en guise d'exemple la locution avoir la main ouver­te - « être généreux ».

Donc, la motivation est un phénomène intralinguistique qui repose sur .les associations formelles et sémantiques que le mot évoque. Toutefois la motivation phonétique ou naturelle est extralinguistique1.

Il est à remarquer que la motivation d'un mot n'est pas absolue. Il est difficile de dire pourquoi coupe-gorge sert à nommer un lieu, un passage dangereux, fréquenté par des malfaiteurs et non point, par exemple, un instrument de supplice (cf. : coupe-légumes, coupe-papier, coupe-raci­nes). II n'y a pas de raisons logiques valables à ce que le mot laitière désigne « une femme qui vend du lait », et non pas « un pot à lait » par analogie avec théière, cafetière. Il serait plus juste de dire que les vocables sont relativement motivés. La relativité de la motivation peut indui­re en erreur au cas où la signification du vocable n'est pas présente à l'esprit de l'usager.

Tout vocable motivé ne le sera que relativement du fait qu'à partir de ses éléments constituants et des liens associatifs entre ses diverses accep­tions on ne peut jamais prévoir avec exactitude ses sens réels.

En principe tout mot est motivé à l'origine. Avec le temps la forme interne des vocables peut ne plus se faire sentir, ce qui conduite leur démo­tivation. Cet effacement du sens étymologique s'effectue lentement, au cours de longs siècles. C'est pourquoi à chaque étape de son développe­ment la langue possède de ces cas intermédiaires, témoignages du dévelop­pement graduel de la langue. En effet, les mots sont parfois motivés uniquement par un des éléments de leur structure formelle. C'est ainsi que la signification actuelle des mots malheur et bonheur ne peut être que par­tiellement expliquée par leur premier élément mal- et bon-, heur < lat. pop. « augurium » - « présage, chance » ayant pratiquement disparu de l'usage. On doit considérer ces mots comme étantpartiellement motivés. Donc, les vocables peuvent se distinguer par le degré de leur motivation.

Le processus de démotivation peut aller plus loin et aboutir à la perte totale par un vocable de son caractère motivé. Ce phénomène se produit lorsqu'un vocable ou bien son sens se trouve isolé, séparé des unités ou des sens auxquels l'un ou l'autre était autrefois associé. Tel a été le sort de chahuter qui ne se rattache aujourd'hui ni à chat, ni à huer, et ne signifie plus « crier comme un chat huant ». Personne ne pense plus à la comparaison de la chenille à une petite chienne ou de la cheville à une petite clé. Une personne friande est tout simplement gourmande ; ce n'est plus une personne qui brûle d'envie de faire quelque chose, comme il en était autrefois, d'autant plus que le verbe frier - « brûler d'envie » a disparu de l'usage. Tous ces mots ne sont point motivés à l'heure actuel­le. Il en est de même de la locution avoir maille à partir avec qn - « avoir un différend avec qn ».

Dans chaque langue on trouve des vocables motivés et immotivés.

Dans son « Cours de linguistique générale » F. de Saussure fait la juste remarque qu'il n'y a point de langue où rien ne soit motivé, comme on ne peut se figurer une langue où tout soit motivé. Quant à la langue française il insiste sur la tendance qu'elle marque vers l'arbitraire du si­gne. Cette opinion est partagée par d'autres linguistes (Ch. Bally, V. Bran-dal, S. Ullman) qui en ont déduit le caractère abstrait du français contemporain. Toutefois cette assertion reste gratuite si elle n'est pas ap­puyée d'une analyse globale du vocabulaire. Cette analyse doit porter non seulement sur les mots, mais également sur les locutions phraséolo-giques dont la majorité est motivée (cf. : tête de girouette, tomber des nues, rire au nez de qn).

Des cas assez nombreux se présentent lorsque les vocables expri­mant la même notion, mais appartenant à des langues différentes, ont la même forme interne. On dit en français le nez d'un navire, une chaîne de montagnes, la chenille d'un char de même qu'en russe нос корабля, цепь гор, гусеница танка. En français et en russe on dit pareillement roitelet et королек. Les mots perce-neige et подснежник ont une forme interne proche. Cette similitude de la forme interne de certains mots dans les langues différentes tient à des associations constantes qui apparais­sent également chez des peuples différents.

Pourtant la forme interne des mots et des locutions revêt le plus sou­vent un caractère national. Pour désigner la prunelle les Français l'ont comparée à une petite prune, tandis qu'en russe зрачок dérive de l'ancien зреть - « voir ». La pommade est ainsi nommée parce que ce cosmétique se préparait autrefois avec de la pulpe de pomme ; le substantif russe correspondant мазь se rattache au verbe мазать - « enduire de qch ». La fleur qui est connue en russe sous le nom de гвоздика est appelée en français œillet. On dit en russe ручка сковороды et en français la queue d'une poêle. Le caractère national de l'image choisie pour dénommer les mêmes objets et phénomènes apparaît nettement dans les locutions phra-séologiques. En russe on dira знать на зубок et en français savoir sur le bout du doigt : l'expression russe быть тощим как спичка correspond en français à être maigre comme un clou ; l'expression дать руку на отсечение se traduira en français comme mettre sa main au feu.

On pourrait multiplier ces exemples.

La forme interne marque de son empreinte le sens actuel du vocable et en détermine en quelque sorte les limites. L'exemple suivant en servira d'illustration. Comparons les mots train et поезд. Le système de signifi­cations du mot français est plus compliqué que celui du mot russe corres­pondant Signalons les essentielles acceptions de train allure d'une bête de somme (le train d'un cheval, d'un mulet) ; allure en général (mener grand train) : suite de bêtes que l'on fait voyager ensemble (un train de bœufs) ; suite de wagons traînés par la même locomotion (le train entrait en gare).

Le lien de toutes ces acceptions avec le sens du verbe tramer, dont le substantif train dérive, est évident.

Le substantif russe поезд qui se rattache au verbe ездить - « aller, voyager » ne traduit que le sens de « train de chemin de fer ».

Nous avons déjà constaté qu'il pouvait y avoir un décalage entre la motivation et le sens étymologique. Ce décalage apparaît nettement dans le phénomène appelé « étymologie populaire ». Nous assistons à l'éty-mologie populaire lorsqu'on attribue à un vocable un sens étymologique qui ne lui appartient pas en réalité ; la motivation de ce vocable ne corres­pondra plus à son vrai sens étymologique. Ainsi, dans l'expression faire bonne chère qui voulait dire autrefois littéralement « faire bon visage », le mot chère < gr. kara - « visage » fut rapproché sémantiquement et confon­du avec le mot chair < lat. carnis - « viande », tandis que l'expression en entier fut comprise comme « faire un bon repas ».

Jadis, sous le règne de Louis XI, aux environs de Paris se trouvait un certain château nommé « château de Vauvert » qui passait pour hanté. Le château de Vauvert est depuis longtemps oublié, mais l'expression au dia­ble vcnrvert s'est conservée avec le sens de « très loin, si loin qu 'on n 'en revient plus ». Cette expression a perdu son sens littéral, mais les Français ne s'embarrassent pas pour si peu ; ils la comprennent à leur manière et en font dans le langage populaire au diable ouvert ou tout simplement au diable vert.

Un autre cas curieux est offert par le mot ingambe qui provient de l'italien in gamba - « en jambe » et signifie « alerte, dispos » ; sous l'in­fluence de in- confondu avec le préfixe négatif il est parfois pris à tort dans le sens de « qui marche avec peine ».

En subissant l'influence de l'étymologie populaire les mots peuvent modifier leur aspect phonique de même que leur orthographe. Le mot latin « laudanum » en passant dans le français populaire devient laitd'ânon ; le mot du bas latin « arangia » devient en français orange par association avec le nom de la ville d'Orange, par où les fruits devaient passer au Nord.

L'adjectif souffreteux qui est dérivé d'un ancien nom soufraite -« privation » signifiait primitivement « qui est dans le dénuement ». Son sens actuel le plus répandu - « habituellement souffrant, mal portant », de même que son orthographe, sont dus au rapprochement des mots souffre­teux et souffrir, souffrance.

§ 12. Caractéristique phonétique des mots en français moderne.

Nous nous bornerons ici à noter certains traits caractérisant les mots fran­çais quant à leur composition phonique et leur accentuation dans la chaîne parlée.1

Les mots français sont caractérisés par leur brièveté. Certains se ré­duisent à un seul phonème. Il s'agit surtout de mots non autonomes (ai, eu, on, est, l',d` etc.), les mots autonomes à un phonème étant exclusivement rares (an, eau).

Par contre, les monosyllabes sont très nombreux dans ces deux caté­gories de mots (le, les, des, qui, que, mais, main, nez, bras, monte, parle, etc.). Ces monosyllabes sont parmi les mots les plus fréquents.

L'analyse d'un certain nombre de textes suivis a permis de constater que dans le discours les mots contenant une syllabe forment environ 61% et les mots à deux syllabes forment près de 25% de l'ensemble des mots rencontrés. Cet état de choses est le résultat d'un long développement historique qui remonte à l'époque lointaine de la formation de la langue française du latin populaire (ou vulgaire). Pour la plupart les monosylla­bes sont le résultat des nombreuses transformations phonétiques subies par les mots latins correspondants formés de deux ou trois syllabes (cf. • homme < lat homo, main < lat. manus, âme < lat. anima)

Le français possède naturellement des mots à plusieurs syllabes : toutefois il y a visiblement tendance à abréger les mots trop longs aux­quels la langue semble répugner (métropolitain > métro,stylographe > stylo, piano-forte > piano,automobile > auto,météorologie > météo; cf aussi avion qui s'est substitué à aéroplane,piloteàaviateur).

Comme conséquence de ce phénomène la longueur des mots au ni­veau de la langue est de 2.5 syllabes, alors que dans la parole - de 1.35 syllabes. Ce décalage s'explique par la fréquence d'emploi des mots-outils lors du processus de communication.

La tendance à raccourcir les mots, qui s'est manifestée à toutes les époques, a pour conséquence un autre phénomène caractéristique du vo­cabulaire français - l'homonymie. Un grand nombre de mots a coïncidé quant à la prononciation à la suite de modifications phonétiques réguliè­res.

C'est surtout parmi les monosyllabes que l'on compte un grand nom­bre d'homonymes ; tels sont : ver < lat. vermis, vers (subst.) < lat. Versus - « sillon, ligne, vers ». vers (prép ) < lat. versus de vertere - « tourner ». vert < lat. vendis De là de nombreuses séries d'homonymes : par, part, pars ; cher, chair, chaire ; air, ère, aire, hère, erre (if), etc À la suite de l'homonymie le mot perd de son autonomie ce qui peut amener des con­flits homonymiques Dans son ouvrage « La sémantique » P Guiraud cite l'exemple des verbes de l'ancien français amer - « aimer » et esmer - « estimer » qui se sont confondus dans la prononciation [eme]. Cette homonymie a disparu à la suite de l'élimination de esmer au profit de son doublet savant estimer. Toutefois les distinctions sémantiques et gram­maticales des homonymes trouvent un support dans l'orthographe (àl'ex-ception des cas d'homographie : goutte –капля , goutte –подагра . ce qui rend un service incontestable en prenant dans l'énoncé écrit une impor­tance particulière. Grâce à l'orthographe et au contexte l'homonymie ne présente point de sérieux inconvénient ainsi que le pensent certains lin­guistes qui qualifient ce phénomène naturel de pathologique (comme par exemple S. Ullmann). En réalité les homonymes se laissent facilement identifier et les cas de confusion dans la parole sont pratiquement réduits à zéro. Là, où la confusion est possible « il suffit de faire intervenir dans les énoncés... une modification minimale pour que leur signification se trouve précisée » [7, p. 49-50]. Ainsi en français nous avons :

« L'association des maires de France,

L'association des mères de France, etc. Or, pour échapper à l'ambi­guïté, il suffit de dire dans le deuxième cas :

L'association des mères françaises, etc. » [7, p. 49-50].

Quant à la syllabation des mots français elle est reconnue comme étant remarquablement uniforme et simple. Ce sont les syllabes ouvertes qui forment près de 70% dans la chaîne parlée. Surtout fréquentes sont les syllabes ouvertes du type : consonne - voyelle (par exemple : [de-vi-za-ge] -dévisager, [re-pe-te] -répéter), moins nombreuses sont les syllabes des types : consonne-consonne-voyelle etvoyelle (par exemple : [ble-se] - blesser, [tru-ble] - troubler, [e-ku-te] - écouter, [a-ri-ve] - arriver). Parmi les syllabes fermées on rencontre surtout le type : consonne - voyel­le -consonne (par exemple : [sur-nal] -journal, [par-tir] -partir}. Les autres types sont rares. Cette particularité de la structure syllabique des mots français contribue à son tour à l'homonymie.

Le mot français peut commencer par n' importe quelle consonne, tou­tefois les semi-consonnes initiales [j], [w], [q] sont rares ; de même que le h « aspiré » (haine, haïr, haricot, haie, onze, un - nom de nombre, etc.).

On ne compte qu'un certain nombre de mots commençant par [z] (zèbre, zéro, zinc, zone, zoo), par un [jt] dans l'argot ou le langage fami­lier (gnaule, gnognote - « niais », gnangnan (fam.) - « mou, sans éner­gie »).

Relativement peu nombreuses aussi sont les combinaisons de conson­nes au début du mot. Ce sont, le cas échéant, des groupes de deux conson­nes dont le premier élément est une occlusive [p], [t], [k], [b], [d], [g] ou une spirante labiale [f], [v] suivie d'une liquide [I], [r] ou d'une semi-voyelle [w], [j], [q].

Ce sont aussi les combinaisons initiales comportant trois consonnes dont une liquide et une semi-voyelle après une occlusive : [prw], [plw], [plq], [trw], [trq], [krw], [krq], etc.

Les autres combinaisons de deux ou de trois consonnes aussi bien au début qu'à l'intérieur du mot sont rares (pneumatique, phtisie, stress, stri­dent, strapontin, esclandre, escrime), apparaissant, comme règle, dans des mots d'emprunt.

Quant aux voyelles le français répugne aux hiatus à l'intérieur des mots (cf. : appréhender, méandre), il est exempt de diphtongues.

Notons aussi le service rendu par les phonèmes dans la distinction des vocables différents.

A. Sauvageot souligne le rôle exclusif de la consonne initiale dans la différenciation des mots. « II arrive, dit-il, qu'une même voyelle fournis­se presque autant de vocables qu'il y a de consonnes pour la précéder : pont/ton /bon / don / gond /fond / font / vont / long / mont / nom / rond / sont /son /jonc, etc. » [7, p. 44].

La voyelle aussi a une valeur différencielle très importante. Dans le schéma consonnantique p - r selon la voyelle on a : par, part - port, porc, pore -pour -père, paire, pair-peur -pur.

Telles sont à grands traits les possibilités combinatoires des phonè­mes français.

Dans la langue russe les mots dans la chaîne parlée sont généralement marqués de raccenttonique. ce qui facilite leur délimitation. Il en est autre­ment pour le français où les mots phonétiquement se laissent difficilement isoler dans le discours : privés de l'accent tonique propre, ils se rallient les uns aux autres en formant une chaîne ininterrompue grâce aux liaisons et aux enchaînements. On dégage, en revanche, des groupes de mots repré­sentant une unité de sens et qui sont appelés « groupes dynamiques ou rythmiques » avec un accent final sur la dernière voyelle du groupe.

Cette particularité de l'accentuation fait que le mot français perd de son autonomie dans la chaîne parlée. La délimitation phonétique des mots émis dans la parole en est enrayée. Ceci explique les modifications de l'aspect phonétique survenues à certains mots au cours des siècles. Les uns se sont soudés avec les mots qui les précédaient dont l'article défini : c'est ainsi que ierre est devenu lierre, endemain - lendemain, nette -luette, oriot - loriot ; / 'aboutique - la boutique, d'autres au contraire, ont subi une amputation : lacunette - « petit canal » s'est transformé en la cunette car on a pensé à l'article précédant un substantif ; de même m'amie a été perçu comme ma mie.

Toutefois il serait abusif de conclure à l'absence totale de limites entre les mots dans la chaîne parlée en français. En effet certains indices phonétiques contribuent à dégager les mots dans le discours. Ainsi, par exemple, le son [z] qui apparaît dans les liaisons signale la jointure entre deux mots. Il en est de même de l'hiatus qui, comme nous l'avons signa­lé, est rare à l'intérieur du mot. mais assez régulier à la limite des mots [2, p. 321-322]. Un indice important est l'éventualité d'une pause en fin de mot dans la chaîne parlée [11, p. 61].

§ 13. Caractéristique grammaticale du mot en français moder­ne.Les unités essentielles de la langue étroitement liées l'une à l'autre sont le motet la proposition. Les mots acquièrent dans la proposition une force particulière en tant qu'éléments de la communication. C'est en se groupant en propositions d'après les règles grammaticales que les mots manifestent leur faculté d'exprimer non seulement des notions, des con­cepts, mais des idées, des jugements. Dans la proposition les mots auto­nomes remplissent les fonctions de différents termes, dits termes de la proposition (du sujet, du prédicat, du complément, etc.). tandis que les mots non-autonomes établissent des rapports variés entre les termes ou les parties de la proposition. La faculté de former des propositions afin d'exprimer des jugements constitue une des principales caractéristiques grammaticales des mots.

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