А propos de cette йdition йlectronique 4 страница

– … Bien sыr. Tu verras oщ commence ma trace dans le sable. Tu n’as qu’а m’y attendre. J’y serai cette nuit.

J’йtais а vingt mиtres du mur et je ne voyais toujours rien.

Le petit prince dit encore, aprиs un silence :

– Tu as du bon venin ? Tu es sыr de ne pas me faire souffrir longtemps ?

Je fis halte, le cњur serrй, mais je ne comprenais toujours pas.

– Maintenant va-t’en, dit-il… je veux redescendre !

Alors j’abaissai moi-mкme les yeux vers le pied du mur, et je fis un bond ! Il йtait lа, dressй vers le petit prince, un de ces serpents jaunes qui vous exйcutent en trente secondes. Tout en fouillant ma poche pour en tirer mon revolver, je pris le pas de course, mais, au bruit que je fis, le serpent se laissa doucement couler dans le sable, comme un jet d’eau qui meurt, et, sans trop se presser, se faufila entre les pierres avec un lйger bruit de mйtal.

Je parvins au mur juste а temps pour y recevoir dans les bras mon petit bonhomme de prince, pвle comme la neige.

– Quelle est cette histoire-lа ! Tu parles maintenant avec les serpents !

J’avais dйfait son йternel cache-nez d’or. Je lui avais mouillй les tempes et l’avais fait boire. Et maintenant je n’osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement et m’entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son cњur comme celui d’un oiseau qui meurt, quand on l’a tirй а la carabine. Il me dit :

– Je suis content que tu aies trouvй ce qui manquait а ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi…

– Comment sais-tu !

Je venais justement lui annoncer que, contre toute espйrance, j’avais rйussi mon travail !

Il ne rйpondit rien а ma question, mais il ajouta :

– Moi aussi, aujourd’hui, je rentre chez moi…

Puis, mйlancolique :

– C’est bien plus loin… c’est bien plus difficile…

Je sentais bien qu’il se passait quelque chose d’extraordinai­re. Je le serrais dans les bras comme un petit enfant, et cependant il me semblait qu’il coulait verticalement dans un abоme sans que je pusse rien pour le retenir…

Il avait le regard sйrieux, perdu trиs loin :

– J’ai ton mouton. Et j’ai la caisse pour le mouton. Et j’ai la museliиre…

Et il sourit avec mйlancolie.

J’attendis longtemps. Je sentais qu’il se rйchauffait peu а peu :

– Petit bonhomme, tu as eu peur…

Il avait eu peur, bien sыr ! Mais il rit doucement :

– J’aurai bien plus peur ce soir…

De nouveau je me sentis glacй par le sentiment de l’irrйparable. Et je compris que je ne supportais pas l’idйe de ne plus jamais entendre ce rire. C’йtait pour moi comme une fontaine dans le dйsert.

– Petit bonhomme, je veux encore t’entendre rire…

Mais il me dit :

– Cette nuit, зa fera un an. Mon йtoile se trouvera juste au-dessus de l’endroit oщ je suis tombй l’annйe derniиre…

– Petit bonhomme, n’est-ce pas que c’est un mauvais rкve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d’йtoile…

Mais il ne rйpondit pas а ma question. Il me dit :

– Ce qui est important, зa ne se voit pas…

– Bien sыr…

– C’est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une йtoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les йtoiles sont fleuries.

– Bien sыr…

– C’est comme pour l’eau. Celle que tu m’as donnйe а boire йtait comme une musique, а cause de la poulie et de la corde… tu te rappelles… elle йtait bonne.

– Bien sыr…

– Tu regarderas, la nuit, les йtoiles. C’est trop petit chez moi pour que je te montre oщ se trouve la mienne. C’est mieux comme зa. Mon йtoile, зa sera pour toi une des йtoiles. Alors, toutes les йtoiles, tu aimeras les regarder… Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau…

Il rit encore.

– Ah ! petit bonhomme, petit bonhomme j’aime entendre ce rire !

– Justement ce sera mon cadeau… ce sera comme pour l’eau…

– Que veux-tu dire ?

– Les gens ont des йtoiles qui ne sont pas les mкmes. Pour les uns, qui voyagent, les йtoiles sont des guides. Pour d’autres elles ne sont rien que de petites lumiиres. Pour d’autres qui sont savants elles sont des problиmes. Pour mon businessman elles йtaient de l’or. Mais toutes ces йtoiles-lа se taisent. Toi, tu auras des йtoiles comme personne n’en a…

– Que veux-tu dire ?

– Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les йtoiles. Tu auras, toi, des йtoiles qui savent rire !

Et il rit encore.

– Et quand tu seras consolй (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenкtre, comme зa, pour le plaisir… Et tes amis seront bien йtonnйs de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : « Oui, les йtoiles, зa me fait toujours rire ! » Et ils te croiront fou. Je t’aurai jouй un bien vilain tour…

Et il rit encore.

– Ce sera comme si je t’avais donnй, au lieu d’йtoiles, des tas de petits grelots qui savent rire…

Et il rit encore. Puis il redevint sйrieux :

– Cette nuit… tu sais… ne viens pas.

– Je ne te quitterai pas.

– J’aurai l’air d’avoir mal… j’aurai un peu l’air de mourir. C’est comme зa. Ne viens pas voir зa, ce n’est pas la peine…

– Je ne te quitterai pas.

Mais il йtait soucieux.

– Je te dis зa… c’est а cause aussi du serpent. Il ne faut pas qu’il te morde… Les serpents, c’est mйchant. Зa peut mordre pour le plaisir…

– Je ne te quitterai pas.

Mais quelque chose le rassura :

– C’est vrai qu’ils n’ont plus de venin pour la seconde morsure…

Cette nuit-lа je ne le vis pas se mettre en route. Il s’йtait йvadй sans bruit. Quand je rйussis а le rejoindre il marchait dйcidй, d’un pas rapide. Il me dit seulement :

– Ah ! tu es lа…

Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :

– Tu as eu tort. Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’кtre mort et ce ne sera pas vrai…

Moi je me taisais.

– Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-lа. C’est trop lourd.

Moi je me taisais.

– Mais ce sera comme une vieille йcorce abandonnйe. Ce n’est pas triste les vieilles йcorces…

Moi je me taisais.

Il se dйcouragea un peu. Mais il fit encore un effort :

– Ce sera gentil, tu sais. Moi aussi je regarderai les йtoiles. Toutes les йtoiles seront des puits avec une poulie rouillйe. Toutes les йtoiles me verseront а boire…

Moi je me taisais.

– Ce sera tellement amusant ! Tu auras cinq cents millions de grelots, j’aurai cinq cents millions de fontaines…

Et il se tut aussi, parce qu’il pleurait…

– C’est lа. Laisse-moi faire un pas tout seul.

Et il s’assit parce qu’il avait peur.

Il dit encore :

– Tu sais… ma fleur… j’en suis responsable ! Et elle est tellement faible ! Et elle est tellement naпve. Elle a quatre йpines de rien du tout pour la protйger contre le monde…

Moi je m’assis parce que je ne pouvais plus me tenir debout. Il dit :

– Voilа… C’est tout…

Il hйsita encore un peu, puis il se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger.

Il n’y eut rien qu’un йclair jaune prиs de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Зa ne fit mкme pas de bruit, а cause du sable.

CHAPITRE XXVII

Et maintenant, bien sыr, зa fait six ans dйjа… Je n’ai jamais encore racontй cette histoire. Les camarades qui m’ont revu ont йtй bien contents de me revoir vivant. J’йtais triste mais je leur disais : « C’est la fatigue… »

Maintenant je me suis un peu consolй. C’est а dire… pas tout а fait. Mais je sais bien qu’il est revenu а sa planиte, car, au lever du jour, je n’ai pas retrouvй son corps. Ce n’йtait pas un corps tellement lourd… Et j’aime la nuit йcouter les йtoiles. C’est comme cinq cent millions de grelots…

Mais voilа qu’il se passe quelque chose d’extraordinaire. La museliиre que j’ai dessinйe pour le petit prince, j’ai oubliй d’y ajouter la courroie de cuir ! Il n’aura jamais pu l’attacher au mouton. Alors je me demande : « Que s’est-il passй sur sa planиte ? Peut-кtre bien que le mouton a mangй la fleur… »

Tantфt je me dis : « Sыrement non ! Le petit prince enferme sa fleur toutes les nuits sous son globe de verre, et il surveille bien son mouton… » Alors je suis heureux. Et toutes les йtoiles rient doucement.

Tantфt je me dis : « On est distrait une fois ou l’autre, et зa suffit ! Il a oubliй, un soir, le globe de verre, ou bien le mouton est sorti sans bruit pendant la nuit… » Alors les grelots se changent tous en larmes !…

C’est lа un bien grand mystиre. Pour vous qui aimez aussi le petit prince, comme pour moi, rien de l’univers n’est semblable si quelque part, on ne sait oщ, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangй une rose…

Regardez le ciel. Demandez-vous : le mouton oui ou non a-t-il mangй la fleur ? Et vous verrez comme tout change…

Et aucune grande personne ne comprendra jamais que зa a tellement d’importance !

Зa c’est, pour moi, le plus beau et le plus triste paysage du monde. C’est le mкme paysage que celui de la page prйcйdente, mais je l’ai dessinй une fois encore pour bien vous le montrer. C’est ici que le petit prince a apparu sur terre, puis disparu.

Regardez attentivement ce paysage afin d’кtre sыrs de le reconnaоtre, si vous voyagez un jour en Afrique, dans le dйsert. Et, s’il vous arrive de passer par lа, je vous en supplie, ne vous pressez pas, attendez un peu juste sous l’йtoile ! Si alors un enfant vient а vous, s’il rit, s’il a des cheveux d’or, s’il ne rйpond pas quand on l’interroge, vous devinerez bien qui il est. Alors soyez gentils ! Ne me laissez pas tellement triste : йcrivez-moi vite qu’il est revenu…

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Mai 2004

– Source :

http://www.microtop.com.ar/lepetitprince/chapitre01.html

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