Choisissez la bonne formule

Comment réinventer la boîte à idées dans l'entreprise

Mettre en place une boîte à idées favorise la motivation des salariés. Pour l'employeur, c'est aussi un bon moyen de réduire ses coûts et de gagner de l'argent, grâce à des idées simples ou à des innovations spectaculaires.

"Lorsque je contemple la photo de mon grand-père posée sur mon bureau, je me souviens que la boîte à idées qu'il avait mise en place fut un échec. Des salariés en profitaient pour faire part de leur mécontentement de façon anonyme", raconte Eric Sarrat, président du groupe bordelais de transport GT (GT Logistics et GT Location), qui emploie 1 200 salariés. Aujourd'hui, la boîte à idées s'est transformée en innovation participative. Il s'agit de recueillir les suggestions des salariés, de les filtrer, d'organiser des groupes de créativité pour obtenir des réalisations concrètes. L'outil a changé. Bien souvent, la boîte à idées en carton s'est transformée en une boîte à idées électronique. Des groupes comme BNP Paribas, Bouygues Telecom, la Maif, mais aussi des PME sont des adeptes de la boîte à idées 2.0. Motivation Factory ou Inova Software proposent ainsi des systèmes de management des idées (SMI), des applications web ultra-perfectionnées dédiées à des échanges d'idées.Mais pourquoi un tel engouement pour l'innovation salariale ? "L'innovation participative constitue un bon moyen de motiver et de fédérer les collaborateurs. C'est aussi une façon de réaliser des gains économiques ou d'accroître le chiffre d'affaires", estime Muriel Garcia, présidente d'Innov'Acteurs, une association regroupant 80 entreprises et administrations qui échangent leurs expériences concrètes. Innov'Acteurs est notamment à l'origine du Carrefour de l'innovation participative, un rendez-vous annuel (cette année le 29 novembre 2012, à Paris) où sont remis des trophées aux sociétés qui s'illustrent par leurs bonnes pratiques.Pour Pierre-Louis Desprez aussi, l'innovation est essentielle : le directeur général associé du cabinet Kaos Consulting estime qu'"une société qui n'innove pas a moins de chances de survivre, car nous vivons dans un monde concurrentiel qui bouge à toute vitesse".

Choisissez la bonne formule

Bien entendu, le volontariat est la règle. Il ne doit pas y avoir une dictature de l'idée. Chacun doit pouvoir contribuer à la boîte à idées ou pas, en fonction de son inspiration. Il serait contre-productif d'exiger d'un collaborateur qu'il émette une idée par mois. On peut être un bon salarié sans être créatif ! Mais les valeurs insufflées par l'entreprise ont incontestablement un effet d'entraînement. Jérôme Introvigne, directeur du management de l'innovation à la biscuiterie Poult, se réfère volontiers au best-seller de l'Américain Daniel Pink, L'Homme aux deux cerveaux, qui fait l'éloge de l'empathie, de la joie, de l'inventivité et de la recherche de sens, et il met en pratique avec succès ces préceptes.Dans une entreprise de 10 salariés, nul besoin de dispositifs lourds. Il suffit de pousser la porte du bureau du responsable. D'ailleurs, celui-ci peut organiser une fois par an une réunion de brainstorming.Et si, sur les sites industriels, les ouvriers n'ont habituellement pas accès à internet, on peut prendre exemple sur une usine de 200 personnes de la société AGC (fabrication de verre), située à Boussois (59), qui s'est équipée d'une borne avec un ordinateur, afin que chacun puisse y déposer son idée. Chez GT Logistics, les suggestions écrites des salariés sont glissées dans une boîte métallique et récupérées par le responsable du site. Elles sont ensuite imprimées et collées sur un grand tableau, visible par tous, y compris par les clients de l'entreprise.

Parmi les dernières idées suggérées : modifier la tenue des ouvriers, instaurer un permis à points pour les conducteurs de chariots, mettre en place un téléviseur présentant de façon non-stop l'activité de la société... "Non seulement l'innovation nous a permis de conserver des clients qui étaient sur le point de partir chez les concurrents étrangers, mais nous avons augmenté notre chiffre d'affaires de 20 %", se réjouit Eric Sarrat.Dans le secteur des services, la boîte à idées web apparaît comme une évidence. Pionnier dans le domaine de l'e-innovation, le groupe Accor a créé en 2001 Innovaccor, accessible par l'intranet de la société ou via internet, avec un login et un mot de passe. Sur 90 pays au total (160 000 collaborateurs), 30 pays y sont associés. Tout le monde peut participer. De la femme de chambre au directeur marketing. "Par ailleurs, nous avons sélectionné 450 idées rédigées en français et en anglais et nous les avons classées par catégories. Chacun de nos hôtels peut se les approprier", explique Daisy Detourne, responsable projets RH chez Accor. L'employé d'un hôtel Ibis au Mexique qui a suggéré d'éteindre à distance les téléviseurs et la climatisation dans la chambre d'un client quand il s'en absente, a permis de réaliser des économies conséquentes pour l'ensemble du groupe. Il y a aussi des idées plus modestes susceptibles d'agrémenter le séjour des clients, comme la création d'une bibliothèque ou celle d'un jardin biologique. Les salariés les plus "créatifs" reçoivent un chèque-cadeau, un iPhone ou un séjour dans un hôtel du groupe.

Lancez une foire aux idées et des séances de créativité

La collecte tous azimuts a incontestablement fait ses preuves. Il peut en sortir des pépites. Mais les salariés risquent de se lasser d'apporter des idées. Aussi, rien ne vaut une opération coup de poing, ciblée sur une thématique, pour une durée limitée. Ainsi, La Poste a-t-elle lancé une campagne de recueil d'idées sur deux mois en 2009 auprès de ses 240 000 salariés pour définir et développer l'esprit de service des postiers. Elle a recueilli 300 idées qui ont été filtrées et étudiées pour devenir le socle de référence de la relation de service de l'ensemble du groupe. Il suffit de se rendre à un guichet de La Poste pour observer la petite révolution qui s'est jouée ces dernières années.Chez la chaîne d'hôtellerie de loisirs Vacances Bleues - 900 salariés, un chiffre d'affaires de 84 millions -, la boîte à idées intranet vivotait. Le parti pris a été de lancer des séances de créativité. "Pour une fois, on m'écoute !", ont lâché des participants. Il est vrai que l'animation des groupes a été confiée à une spécialiste du brainstorming, Emmanuelle Champaud. Tout le personnel y a participé : du directeur d'hôtel à l'animateur du club enfants. "Nous avons récolté 85 idées et nous en avons retenu 5 que nous mettons progressivement en oeuvre", résume Marianne Yung, directrice marketing et communication de Vacances Bleues. L'after-work avec une plancha de charcuterie pour deux personnes à 25 euros sort tout droit de l'idée de valoriser une restauration davantage "terroir", tandis que le brunch en terrasse en été correspond à la volonté de se trouver dans une ambiance plus conviviale, sur le modèle des chambres d'hôtes.

Misez sur l'inspiration

De son côté, Jérôme Introvigne n'hésite pas à inviter des philosophes, des sociologues, des designers pour animer les groupes de créativité. Une façon de susciter un remue-méninges collectif et de valoriser les collaborateurs. Résultat : 70 % de la croissance du groupe Poult résulte de l'innovation.La société suédoise Brandos (site de vente de chaussures en ligne) a créé des "Inspirational workshop" qui, comme leur nom l'indique, comptent sur l'inspiration des participants. "Ces séances nous ont permis d'améliorer le design et la navigation de notre site, mais aussi les conditions de travail des salariés", souligne Arnaud Caillot, directeur France de Brandos. Ne l'oublions pas : de l'innovation peuvent surgir des améliorations techniques, mais aussi des suggestions visant le bien-être au travail.

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