LA JOURNÉE D'UNE JEUNE EMPLOYÉE.

Mlle Blanchard. — Je me lève à six heures et quart tous les matins, je prends tranquillement le petit déjeuner, je joue avec le chien, c'est toujours l'occupation du matin, et après ça, je prends mon bain. Enfin je m'habille et je pars de la maison vers sept heures. Je prends le train à sept heures vingtsix. J'arrive à la gare d'Austerlitz vers neuf heures moins dix et je prends le train d'Orsay qui m'emmène à la gare d'Orsay qui est tout près de la Place de la Concorde, de l'autre côté des Tuileries , si vous connaissez un peu.

Journaliste. — Oui.

Mlle Blanchard'. — Et là j'en ai pour un quart d'heure à pied traversant les Tuileries. Ça c'est joli le matin et on voit Paris, on traverse la Seine, c'est assez romantique. Je travaille au bureau jusqu'à midi et nous avons une heure pour déjeuner et nous reprenons à une heure, jusqu'à six heures du soir. A six heures, je repars tranquillement en traversant les jardins des Tuileries parce que prendre le métro, par exemple, à la Concorde à six heures du soir, c'est une chose impossible, il y a énormément de monde, on est serré, ce n'est pas agréable du tout. Et je repars à pied jusqu'à la Gare d'Orsay et je reprends le train jusqu'à la Gare d'Austerlitz, Je rechange de train, j'arrive ici à huit heures et quart et je rentre dîner et voilà . Voilà ce qu'est la journée de travail.

Journaliste. —Ah , oui, oui, et vous n'avez pas de soirée vraiment alors?

Mlle Blanchard. — Non. C'est ça le plus ennuyeux . A Paris je n'ai pas beaucoup de temps de sortir parce que je dois prendre mon train, donc je n'ai pas le temps de voir beaucoup d'amis ou alors il faut que je reste à Paris coucher chez une de mes sœurs qui habite là-bas et le soir, si je veux sortir ici, à Orléans, c'est un peu tard parce qu'on n'est jamais libre avant neuf heures et se coucher à minuit pour se lever à six heures... On peut le faire de temps en temps, mais pas tous les jours.

Journaliste. — Non, non, vraiment.

Mlle Blanchard. — Ça, c'est assez fatigant.

TROUVER UN EMPLOI.

Les dernières années, il devient de plus en plus difficile, surtout pour les jeunes, de trouver un emploi. En France, il y a 1 150 000 chômeurs. Parmi eux, 38,9 % sont des jeunes de moins de 25 ans. Ce sont surtout des jeunes de 18 à 21 ans, qui cherchent un premier emploi (plus de la moitié).

— Allô! Bonjour, madame. J'ai lu dans le journal que vous cherchiez une traductrice; je suis intéressée par cet emploi,

— Oui, quels diplômes avez-vous?

— J'ai deux licences: une licence d'anglais et une d'italien.

— Très bien. Et vous travaillez depuis quand?

— Euh..., pas encore, c'est-à-dire que je viens de finir mes études.

— Je regrette, mademoiselle, nous ne voulons pas de débutante. Au revoir, mademoiselle.

Isabelle regarde tristement le journal posé près du téléphone. Depuis six mois, elle fait tous les jours la même chose. Elle se lève à huit heures, descend acheter les journaux du matin, puis remonte préparer son petit déjeuner. Elle lit avec attention les petites announces et répond à celles qui demandent «un traducteur ou une traductrice en anglais et en italien».

— J'ai déjà écrit plus de 69 lettres; tous les jours, j'attends le facteur avec impatience. Mais j'obtiens toujours des réponses négatives. On me dit «non» parce que je n'ai pas «d'expérience», parce que je n'ai pas encore travaillé. Voilà, j'ai quatre gros défauts: je cherche un premier emploi; j'ai «trop» de diplômes (si on m'emploie, il faut me payer assez cher dès le début); je suis trop jeune (22 ans!); et, en plus, je suis une fille! Je n'ose plus dire que j'ai deux licences. Je crois que je vais apprendre la dactylographie: si je sais taper à la machine, je pourrai au moins trouver un emploi de secrétaire!... Je suis inscrite à l'A.N.P.E. (Agence Nationale pour l'Emploi); je vais pointer tous les 15 jours; je touche une petite somme d'argent mais ce n'est pas assez pour vivre. Heureusement, j'habite chez mes parents et ils me nourrissent. Je me demande comment font les jeunes qui sont seuls. C'est dur d'être chômeur en entrant dans la vie. Je n'ai plus envie de sortir avec mes amis qui travaillent, eux! Ils peuvent penser à leurs loisirs. Moi, je reste là, à attendre la lettre, le coup de téléphone qui va changer ma vie. Je ne vois pas l'avenir en rose mais j'espère encore un peu. Demain... peut-être!

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